vendredi 13 mai 2011

D'Adelaide (SA) à Carnarvon (WA) : 6 000 kilomètres, 40 jours

Jeudi 12 mai, 12h52, Carnarvon, Western Australia



Introduction : "Retrouvailles"

Oihan : dimanche 3 avril, 7h20 du matin. Je gare le Magic Bus devant l'aéroport d'Adelaide. J'ai un peu la tête dans le pâté.

Petit mémorial en notre nom installé au maintenant célèbre parking

J'avais prévu de faire la route depuis le Riverland jusqu'à Adelaide la veille en fin de matinée pour passer l'aprem à la plage, mais la visite du zoo de Bredl's avec Giorgio et Marghe a pris plus de temps que prévu, et je suis finalement arrivé en ville à 23h. Rouler de nuit en Australie, c'est vraiment fatiguant. En France c'est facile, les phares font briller les lignes blanches au sol, et tant qu'on ne voit pas d'autre source lumineuse, on n'a qu'à tenir le cap insouciament, et laisser notre esprit dériver, ayant décroché depuis bien longtemps de l'émission sans fin que diffuse France Culture. Ici, dès que la nuit tombe, c'est la valse des kangourous, wombats ou autres émeus. N'ayant pas de pare buffle sur le Magic Bus, j'ai tout intérêt à ouvrir grand les deux yeux. En plus, comme la route que je devais emprunter allait plein ouest, j'ai pu profiter du coucher de soleil jusqu'à sa dernière seconde (en plein dans les yeux vous l'aurez compris), essayant tant bien que mal de balayer du regard les bas côtés à la recherche des yeux apeurés d'une bestiole prête à faire une grosse bêtise dont les conséquences seraient aussi douloureuses pour elle que pour moi. L'auto-guidage en ville, carte sur le volant et lampe de poche dans la bouche, m'a achevé. D'autant que ça faisait plus de deux mois que j'avais pas vu un feu rouge, un rond point ou une 2 x 3 voies dans ma cambrousse de Renmark, et je me suis garé près de la plage exténué.

Je me suis fait déloger par les flics à deux reprises dans la nuit. "You can't sleep on the side of the road, you have to move in the minute !" Ok, ok, laisse moi juste le temps de me réveiller ! Avant d'aller me coucher pour la troisième fois, ayant cette fois jeté mon dévolu pour une ruelle sombre de Glenelg (banlieue proche de l'aéroport en apparence non sujette aux patrouilles de police), j'ai la présence d'esprit d'aller demander à un couple d'insomniaques se baladant si c'est bien le lendemain que l'on passe à l'heure d'hiver. Je sais plus qui m'avait dit que c'était dans la nuit de dimanche à lundi qu'on devait reculer d'une heure, mais il avait pas du m'inspirer confiance, et j'ai eu envie de vérifier. Et j'ai eu raison, c'était en fait cette nuit même. Bon, ça me laisse plus beaucoup d'heure de sommeil tout ça.

Bref ! Tout ça pour dire qu'il est 7h20 du matin (heure d'hiver), que je suis devant l'aéroport, et que j'ai la tête dans le pâté.

Isabelle :  Mais pourquoi revenir à Adelaide alors que j'étais en train de découvrir les merveilles du Nord me diriez-vous ??
Et bien parce que ma tête, mon cœur et mon corps m'ont demandé d'arrêter Gotcha, de prendre une pause. J'ai travaillé sans arrêt pendant 2 mois, sans jours de congés, sans pause déjeuner. Ajoutons à cela une pression incessante des patrons qui nous demandaient de leur envoyer un compte rendu du nombre de clients toutes les 2h, et de les appeler en fin de journée pour un compte rendu général. Mon corps a réagi au stress à sa manière, en attrapant au passage tous les microbes et autres virus du moment. J'ai été atteinte de Cellulitis entre autre _qui n'a rien à voir avec la cellulite, pas la peine de préparer vos blagues_ mais je vous passerai des détails et des photos, c'est vraiment dégoûtant ! Quant à mon cœur, lui, me suppliait de reprendre la route, de prendre mon temps, de découvrir, d'aller dehors, de voir le soleil et non les lumières artificielles des shopping centers, de vivre tout simplement.
Alors que j'entamais ma semaine à Darwin, j'ai demandé de prendre une pause, tout en sachant que je prenais le risque de perdre définitivement le job. Ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas me forcer, qu'ils comprenaient, qu'ils étaient contents de moi et que dès que j'étais prête à rebosser, que j'avais juste à les appeler. Comme quoi, ça sert de prendre des risques :)

Sachant qu'Oihan n'avait pas encore trouvé de nouveau compagnon de voyage pour me remplacer, j'ai eu la chance de pouvoir revenir à temps avant le grand départ vers l'Ouest !

Une semaine plus tard, je me trouvais dans le vol Darwin-Adelaide pour le retrouver :)



J'ai profité de cette semaine de battement pour aller au Kakadu National Park avec mes 2 collègues allemands (Jan et Ronja).
Quand je suis arrivée dans le Nord du Northern Territory (plus au Nord ya pas), l'une des choses qui m'a le plus marquée, c'est le climat. L'humidité est telle qu'on a du mal à respirer, d'après les allemands. 
Pour ma part, je m'y suis très bien adaptée. Je préfère cent fois un climat tropical à un climat continental. Mais c'est vrai que c'est marquant, on a l'impression de changer de pays ! La végétation est grasse, les serpents sont comme des rois. Il fait tellement lourd que l'on a qu'une envie, c'est d'aller faire un plouf à la plage. Et ben non ! L'eau grouille de crocodiles affamés, de box jellyfish (méduse mortelle) et autres monstres des mers. J'ai du mal à y croire ! La mer est calme, j'ai beau passer du temps sur la plage de Darwin, je ne vois rien. Serait-ce une légende ? Nous voilà donc partis pour Kakadu, où j'espère voir plein de crocoooo !!!


Aussi grand que l'Ecosse, il est classé patrimoine mondial de l'Humanité : des marécages, des gorges et chutes d'eau spectaculaires, des falaises et des milliers d'animaux différents cohabitent dans cette région.
On est tout excités d'y arriver enfin ! Mais évidemment, en pleine "wet season", IL PLEUT !!! Et toutes les routes, je dis bien toutes, sont fermées pour cause d'inondation !!! La seule façon de voir ces merveilles est par avion, mais le vol d'une heure coûte 200 dollars et de toute façon, le pilote ne veut pas décoller avec ce temps. COOL !
Nous avons quand même fait quelques marches sous la pluie, pour découvrir les nombreuses peintures aborigènes encore intactes sur les roches.

Kakadu possède une des plus fortes concentrations au monde de peintures rupestres aborigènes.


Quant aux crocodiles, j'ai eu la réponse que j'attendais sur la Adelaide River.



Je suppose que vous avez noté la différence de qualité de mes photos... Vous avez l'œil !
À Darwin, j'ai passé 2 jours entiers dans un magasin d'appareils photo et j'en suis sortie avec un Canon 500D et 2 belles lentilles. C'est un investissement que je n'aurais jamais fait en France, car il y a toujours dix mille factures à payer, pas de place  dans le budget. Ici, j'ai fait assez d'économies avec ce job pour pouvoir me le permettre et continuer mon voyage dans de bonnes conditions. L'Australie est un terrain de jeu en terme de photo, donc cela aurait été stupide de l'acheter une fois mon voyage terminé ! En tout cas, ça me permet de vraiment me mettre à la photo, car régler un reflex, c'est vraiment pas facile !

Au retour de Kakadu, nous sommes allés au musée de Darwin où toute une partie est consacrée au cyclone Tracy qui avait détruit la ville, la veille de Noël 1974. On peut rentrer dans une petite pièce qui reconstitue exactement le son du cyclone : c'est vraiment impressionnant ! Il abrite également des milliers d'espèces empaillées, plus bizarres/dangereuses les unes que les autres et de nombreuses œuvres d'art de la culture aborigène. C'est aussi dans ce musée que l'on peut rencontrer le corps de "Sweetheart", le fameux crocodile qui, autrefois, avait retourné une vingtaine de bateaux, sans jamais attaquer les naufragés. En le capturant, ils avaient découvert une énorme cicatrice d'hélice de moteur de bateau sur son dos, qui datait de son enfance. Ils comprirent à ce moment là d'où venait cette haine des bateaux !

Ca y est, c'est samedi soir ! Mon avion n'est qu'à 2h du matin donc nous décidons pour la soirée d'arpenter les rues de la ville, allant de bar en bar, pour "passer le temps". Les rues sont bondées, Darwin est vraiment une ville de jeunes, ça fait plaisir à voir ! J'ai même la chance d'assister à quelques concerts, et je réalise qu'ici, c'est un autre niveau ! Même les amateurs jouant dans les bars sont très très bons !

1h du matin. Il est temps. Je suis chargée comme une mule, et même vêtue d'un simple short et débardeur, j'ai chaud !
7h20. Il fait 15°C à Adelaide, Oihan vient me chercher en manteau/bonnet. Je souffre...

Heureusement, Oihan et The Magic Bus sont là pour me remonter le moral ! Nous partons à la plage pour prendre le petit déjeuner et réfléchir à la route à prendre pour l'Ouest. Nous décidons de ne pas partir de suite et de passer une semaine sur une île, proche d'Adelaide : Kangaroo Island !

Chapitre I : "L'île aux kangourous", ou "un ticket de bateau pour un zoo géant"



Oihan : mardi 5 avril, 19h, Cape Jervis. Nous embarquons enfin à bord du ferry Sealink. The Magic Bus garé au millimètre entre un 4x4 et un autre van à fond de cale, nous nous installons sur les banquettes, face à la baie vitrée qui en plein jour offre la vue de l'arrivée sur Kanagroo Island, et n'offre rien en pleine nuit. Nous nous félicitons d'avoir décidé de ne dîner qu'une fois arrivés sur l'île. Je sais pas si vous vous êtes déjà amusés à fermer les yeux dans des montagnes russes, mais être dans un bateau alors qu'il fait nuit noire donne vaguement la même impression. Une petite heure plus tard, nous extirpons tant bien que mal le van du ferry et nous nous rendons au camping déjà réservé pour y passer notre première nuit sur l'île.


Le matin, nous commençons à découvrir cette île magnifique. Tout d'abord, la péninsule Est de Kangaroo Island, la Dudley Peninsula. On roule quelques kilomètres et s'arrête pour faire une petite balade sur une colline. Première expérience assez folle de l'île : le sentier s'étend à flanc d'une côte sauvage et magnifique, traversant des forêts infestées de wallabis et varans, longeant des criques de galets couverts de fiente de manchots, offrant par moments la vue sur un ban de dauphins au large, pénétrant parfois un peu plus à l'intérieur des terres, sur des collines où l'herbe dorée semble danser dans la brise marine, jonchée des ruines de ce qui était autrefois des moulins, et des ossements de ce qui fut un jour des wallabis.




Au soleil couchant, alors que nous cherchons un petit nid douillet pour passer la nuit, les bas côtés de la route s'activent, et nous ralentissons l'allure du Magic Bus (qui était cela dit déjà très faible, vu la qualité de la route). Il va falloir qu'on soit très prudents sur cette île, quand ils mettent un panneau "attention, kangourous", ils rigolent pas. Ça saute de partout ! On se gare au bord de l'embouchure d'une rivière, type d'endroit qu'on aurait fui en général par instinct de sauvegarde de notre sang, mais il fait tellement froid que le triste moustique qui vient nous saluer dans la nuit n'a même pas la force de nous piquer. 


On part à la visite du reste de l'île, et c'est toujours aussi somptueux ! Les plages sont à couper le souffle, les animaux sauvages sont partout, et on trouve le courage d'aller se baigner dans l'eau gelée, en essayant d'oublier que c'est cette même eau qui touche les glaces de l'Antarctique quelques milliers de kilomètres plus au Sud. On choisit Vivonne Bay pour lieu de torture, une plage calme où les grosses mouettes pêchent le saumon, les rochers se creusent sous la force des vagues, et l'eau est translucide. On arrive même à mettre la tête sous l'eau quelques minutes, pour observer un peu les fonds avec nos masques-tubas. Ça grouille pas de vie, mais on croise quand même le chemin de quelques poissons zébrés de noir et blanc.



Isabelle : Nous décidons d'aller dormir à Hanson Bay.
15kms de "dirt road" était écrit sur la carte mais on ne s'attendait quand même pas à passer plus d'une heure pour la parcourir ! Les routes sur l'île sont vraiment en mauvais état et il n'y a rien de plus énervant que de rouler sur ce genre de route où dès que les 5km/h sont dépassés, le van se met à trembler comme dans une machine à laver en mode essorage ! Enfin arrivés au bout, on découvre une très belle plage (encore), une famille qui pique-nique sur le sable et surtout, on fait la découverte d'une terrasse secrète dans un arbre !  Alors que le soleil se couche, Oihan fait une tentative de pêche et j'essaye de suivre un kangourou avec mon appareil photo. Faute de réussite, on installe le dîner sur notre table de luxe, sans savoir qu'on allait passer une de nos meilleures soirées australiennes ! 


À travers les branches de notre maison-arbre, on cherche la Southern Cross comme toujours parmi un nombre infini d'étoiles. Quel bonheur de manger dans la nature, avec comme simple éclairage quelques bougies sur la table, et de pouvoir vraiment discuter, sans aucun bruit autour. L'ambiance est complètement apaisante. On discute de comment profiter de l'instant présent malgré son côté rapide et éphémère. Passé, futur. Est ce que le présent existe vraiment ? Quand on prend une photo, est-ce que la scène prise n'est déjà que souvenir ? Et alors qu'on commençait à se perdre dans nos pensées philosophiques, la nature s'est réveillée pour nous faire une sorte de spectacle vivant ! Tout s'est enchaîné. Tout d'abord, il y a eu ce possum, venu de nulle part, qui est allé s'installer sur une branche, à 1 mètre devant nous. D'abord il nous a fixé pendant quelques minutes, puis s'est mis à se faire la toilette. Magique ! On aurait dit un cinéma géant. Oihan est allé chercher l'appareil photo, mais quand il est revenu, le possum était déjà parti. Puis, 5 minutes plus tard, on a entendu un nouveau bruit dans un buisson. Le possum est de retour ?? On s'approche... ouh la, c'est plutôt petit et... bleu ? Un pingouin !!! On n'en croît pas nos yeux !! Un tout petit pingouin est venu nous faire coucou, trop mignon. J'essaye de le prendre en photo, mais le flash ne marche pas. Ok, on prend ça vraiment comme un signe, c'est un bon exemple de "comment profiter de l'instant présent". Message reçu !  ;) 


Le lendemain, les oiseaux chantent à tue-tête, petit déjeuner dans notre arbre, face à ça :


La journée commence bien !

Ce jour-là, nous avons fait deux trucs de touriste. C'est rare mais quand c'est gratuit... Premier truc de touriste : nous sommes allés faire la "koala walk" qui est une ballade au milieu de grands eucalyptus, où on a vu plein de koalas !!! 


Oihan a pu caresser ses premiers kangourous et on a joué à qui voit le plus de koalas. Pas facile !



Deuxième truc de touriste : le Flinders Chase National Park où se trouvent les "remarquables rocks" qui sont sur toutes les cartes postales de l'île. Difficile de les prendre en photo sans un touriste qui les cache ! C'est fou cette manie que le touriste a de se prendre en photo en 1er plan de TOUT ce qu'il voit !



"Le touriste ne sait pas où il est allé alors que le backpacker ne sait pas où il va."



Dernière nuit sur l'île à Boxing bay. Je crois que je "couve quelque chose" comme dirait ma mère car je dors déjà à 20h, alors qu'Oihan s'éclate à faire du light painting.


Oihan : résultat des courses, rien que pour KI, oui c'est comme ça qu'on dit quand on a la classe, "khey aï", et parce que oui, j'aime bien faire des listes : wallabi, varan, dauphin, koala, kangourou, possum obèse, manchot (et non pas pingouin Isabelle, c'est "pinguin" en anglais mais ça veut dire manchot), aigles immenses, quelques poissons, grosses mouettes et araignées, mais ça c'est habituel, et phoques ! 


Chapitre II : "Prémices de la route de l'Ouest", ou "un bout de chemin à trois"

Oihan : Bon, fini les conneries, il est temps de prendre la route pour de bon ! On règle les derniers préparatifs à Adelaide, on fait le plein de gaz, essence, huile, et boîtes de conserves. Cap sur l'Ouest maintenant ! Enfin, plus ou moins, d'abord c'est Nord-Ouest, direction Port Augusta. Les premiers jours de route ne sont pas captivants. Ce tronçon n'est pas encore considéré comme la route de la grande traversée jusqu'à l'Ouest, mais il nous en donne tout de même un avant goût. Les routes sont toutes droites, interminables, et leur bout semble se fondre à l'horizon, à l'avant, comme à l'arrière.  Le paysage est de moins en moins diversifiant, et les rares virages ne s'expliquent que par la présence d'une montage à éviter, d'une rivière à traverser. On a vraiment le sentiment d'être sur une route allant d'un point A à un point B, jouant son rôle de route, sans fioritures, évitant vaguement les rares obstacles se présentant devant elle.


Le premier soir, on gare le Magic Bus sur un parking en bord de route pour y passer la nuit. Le jour est déjà tombé, mais on peut deviner du mouvement sur le bitume encore chaud du parking. A y regarder de plus près, on reconnaît des dizaines de petites souris rondelettes qui bondissent ça et là, fuyant le faisceau de nos lampes de poches. Je suis attendri, Isabelle un peu apeurée ("je sais que c'est pas un animal dangereux, mais je sais pas, c'est l'image peut-être, les dents, la queue... et puis je sais pas si tu t'es déjà fait mordre par un rongeur, mais moi mon hamster Bouli il m'avait gnaqué le doigt quand j'étais gamine, et je peux te dire que tu le sens passer !"). Toujours est-il qu'une fois dîné, on se couche pour regarder notre film pré-dodo, et on commence à entendre un léger bruit dans le van. Il ne nous faut pas longtemps pour faire le rapprochement, et bondir avec une lampe de poche pour cacher le pain de mie, les biscuits et céréales entamées dans une boîte hermétique. La souris est maligne, rapide, petite, mais très bruyante, et nous fait passer une sale nuit, ponctuée d'attentes, lampe de poche d'une main, chaussure meurtrière de l'autre. On ne vaincra pas le monstre ce soir, elle passe toujours sous la chaussure juste au moment où on commence à piquer du nez. Ayant entendu des histoires semblables d'autres backpackers, et sachant que nous n'aurions jamais sa peau sans armes adéquates, nous nous rendons à l'évidence ; on va devoir supporter ça quelques nuits, le temps d'arriver à une ville pour acheter une tapette. On adopte notre nouveau compagnon, et on décide de l'appeler Pamela.


A Port Augusta, on se retrouve confrontés à un choix difficile. Si on veut tout voir, on ne peut pas passer à côté du Flinders Range National Park, le parc national le plus célèbre du South Australia. Mais si on veut vraiment tout voir, ça va nous prendre beaucoup de temps, étant donné qu'il est immense, et pas du tout sur la route de l'Ouest. On décide comme d'habitude de couper la poire en deux, et d'aller passer juste un jour dans ce National Park, seulement à son commencement. C'est très beau, et c'est dur de se dire qu'on en verra qu'une toute petite portion, mais c'est comme ça, on ne peut pas tout voir. La route sillonne entre des formations rocheuses impressionnantes, la végétation est inhabituelle, et les rails du Ghan, le mythique train traversant le désert d'Australie, se détachent du vert des collines, du rouge de la roche, et passent sur des ponts de bois plus que douteux. On décide de passer la nuit au départ d'une ballade qui commence dans des gorges rougeoyantes et grimpe ensuite un petit mont dont elle fait le tour. A la tombée du jour, on fait la connaissance des rock wallabies locaux. Ils sont magnifiques : leur pelage ressemble à celui d'un lynx, ocre sur le buste, jaune sur les pattes, rayé sur la queue. Ils sont incroyablement agiles, sautent d'un roc à l'autre sur des falaises escarpées hautes de plus de 50 mètres, à une vitesse remarquable et dans un silence religieux. Je les décris autant parce qu'on n'a pas réussi à les prendre en photo.


On reprend la route direction Ceduna, la porte d'entrée des plaines du Nullarbor.  Un dernier petit arrêt à Port Augusta pour faire quelques courses, et acheter en particulier de quoi tuer Pam. Un lot de deux tapettes à souris ultra modernes "Safe n' Sure" de chez "Striker". On attend toute la nuit le "PAF" salvateur. Le matin, n'ayant pas été réveillés par le claquement des tapettes ou les couinements de Pam agonisant, on s'étonne de la retrouver coincée dans la tapette installée à l'avant du van. On n'avait pas réalisé l'arme infaillible qu'on avait acheté, on pensait que ça coinçait la souris, et qu'il fallait ensuite la relâcher dans la nature. Pam avait été tuée sur le coup, d'un coup, sans dernier "coucou", des suites d'un coup sur le cou. Et si on n'avait pas entendu de "PAF", c'est que le corps dodu de Pam avait amorti le bruit du piège mortel. Rest In Peace, Pam.


On arrive enfin à Ceduna. Le soir va tomber et on décide de n'entamer la grande traversée qu'aux aurores. On rencontre un couple (australien + allemande) qui voyage en stop et qui gagne de l'argent en jouant de la musique. On passe la soirée avec eux à jouer et chanter de l'Incubus et du Beirut, guitare, accordéon, Porto et sac de couchage pour contrer le vent glacial, assis au bout de l'interminable jetée de Ceduna. Les majestueux pélicans nous font profiter de leur silhouette à contre jour sur coucher de soleil rougeoyant, et les dauphins se baladent non loin de là. Dernières recommandations sur le Nullarbor qu'ils viennent de traverser, et nos amis d'un soir nous disent adieu.


Chapitre III : "Le Nullarbor", ou "là où les routes sont des pistes d'atterrissage"



Oihan : On fait le plein une dernière fois en terre civilisée à Ceduna, avant d'entamer les 1200 km de traversée. Les autres backpackers nous avaient prévenus : l'essence dans le Nullarbor est très chère, mieux vaut bien la gérer et faire le plein là où elle est la moins chère. Ils nous avaient même dit qu'à l'office du tourisme de Ceduna, on pouvait demander une carte sur laquelle "l'officier du tourisme" pointe les endroits où elle est la moins chère. Le dit-"officier" semble outré que je lui fasse une telle requête. Ici, c'est un office du tourisme, et on donne des conseils concernant le tourisme, pas les prix du carburant ! Qu'à cela ne tienne, on fera au feeling, comme d'habitude.


"Nullarbor" vient du latin nullus arbor, littéralement "sans arbre". Cette plaine de calcaire (la plus vaste plaine de calcaire d'un tenant au monde), est considérée comme semi-désertique. C'est pas le désert rouge du centre qu'a côtoyé Isabelle, mais c'est quand même pas très verdoyant. Et comme son nom l'indique, il n'y a pas vraiment d'arbres, ou très peu. La seule végétation qui résiste au climat est une sorte de petit buisson dru, pas plus grand que 50 cm, à raison d'un buisson par 5 mètres carrés. C'est pas verdoyant quoi. Le Nullarbor, c'est avant tout des lignes droites. Beaucoup de lignes droites, de très longues lignes droites, de très droites lignes droites. Quand il fait chaud, des mirages miroitent à l'horizon de bitume, quand on voit une voiture arriver en face, il s'écoule plusieurs minutes avant qu'on la croise, et quand il y a un panneau "attention kangourous", c'est un panneau valable pour parfois plus de 100 km. Les routes sont si droites que s'il n'y avait pas de vent, on n'aurait pas a toucher le volant. Elle sont si droites que parfois même certains tronçons sont des pistes d'atterrissage d'urgence. A ce propos, le mystère reste entier quant à la marche à suivre en cas d'atterrissage d'urgence. Tout ce qu'on sait, c'est que sur ces tronçons, la bande d'arrêt d'urgence s'élargit, et on suppose que si on voit un Boeing 747 arriver droit sur nous, on est censés se ranger sur le bas côté. L'occasion ne s'est malheureusement pas présentée, et on se tiendra à ces suppositions.


Le Nullarbor, c'est aussi les "roadhouses", pseudo-villages au milieu de rien. Les pseudo-villageois de ces pseudo-villages n'ont pas trop le choix quant à leurs perspectives d'avenir. "Quand tu s'ras grand mon p'tit gars, tu seras ou pompiste, ou barman, ou gérant d'hôtel/camping". Parfois, ces pseudo-villages sont vraiment très pseudo, et quand ils sont grands, les pseudo-villageois sont pompistes-barmen-gérants-d'hôtel-et-camping. Je blague, mais n'empêche qu'ils ont beaucoup de sang froid, et qu'ils le prennent avec beaucoup d'humour ! C'est pas une vie franchement... Le Nullarbor, c'est aussi les "rest areas", équivalent désertique des aires d'autoroute. Le but du jeu à la tombée de la nuit, c'est de trouver la plus équipée et donc confortable de toutes, l'échelle de confort allant du parking pour poids lourds au bord de la route pourvu d'une poubelle remplie à ras bord, jusqu'à la petite oasis pleine d'arbres un peu éloignée de la route, avec toilettes sèches, robinet d'eau qui marche plus, et table de pique nique qui n'est plus à l'ombre parce que l'arbre à côté duquel elle a été construite a brûlé.


Enfin, le Nullarbor, c'est surtout des voyageurs. Qu'ils voyagent en vans, caravanes, bus aménagés, voitures surchargées, ils ont tous le sentiment d'être dans le même bateau. Tout le monde se salue sur la route, et on se prend vite au jeu du lever de petit doigt sur le volant. Nous, on rajoute un petit "ééééh adieuuuh !", c'est la basque-touch. En Australie, ça semble être un exploit de traverser le Nullarbor, vu le nombre de voitures pourvues de l'autocollant "I CROSSED THE NULLARBOR !", et les braves voyageurs qui réalisent cet exploit aiment laisser une petite trace de leurs passage. Attention, l'explication qui va suivre est encore une supposition isabelloihaneuse, la route est longue et quand on s'ennuie, ça peut aller très loin... Un jour, un voyageur arrivant fièrement à la fin de sa traversée du désert, se voit subitement pris par l'envie de témoigner de sa valeureuse cavalée. Il s'arrête au premier vrai arbre qu'il trouve au bord de la route, fouille dans sa voiture à la recherche de quelque chose dont il n'aurait plus besoin, trouve une vieille casquette "Pastis 51" (on est d'accord, c'est juste une supposition), et l'accroche à l'arbre en question. Il redémarre, heureux de savoir que tout le monde verra son œuvre d'art au plus haut point symbolique. Le voyageur suivant, intrigué par cet arbre pourvu d'une casquette, s'arrête à son tour. Il fouille dans sa voiture, trouve un bob "Rallye des Cimes" dont il ne se sert plus trop, et l'accroche à côté de la casquette. Quelques années plus tard, l'arbre "Chapeau" est né, avec officiellement plus de chapeaux que de feuilles accrochés à ses branches. Un jour, alors que le soleil est au zénith, un voyageur chauve roulant dans une décapotable s'arrête à l'arbre "Chapeau". Lui aussi a envie de témoigner de son passage, mais ne peut abandonner son chapeau de paille "Xiberoko Botza", il attraperait un coup de soleil aussi sec ! Il décide donc de rouler jusqu'au prochain arbre, et d'y accrocher ses vieilles tennis. Cet arbre devient alors, vous l'aurez compris, l'arbre "Chaussure". 


Bon, tout ça a pris une ampleur assez folle, et on a pu dénombrer également l'arbre "Tasse", l'arbre "Sous Vêtement", l'arbre "Electro-Ménager" (à ce propos, je me demande bien qui c'est qui s'est dit un jour : "tiens, je me sers plus trop de cette télé, je vais la mettre là"), l'arbre "Peluche", et biens d'autres. Enfin, certains essayent de donner vie à de nouveaux arbres, sans succès pour l'instant. Mais ne désespérons pas, les arbres "Bodyboard", "Drapeau australien" et "Seau" grandirons peut-être un jour !

Notre contribution à l'arbre "Nimport' Nawak"




Pas vraiment de points d'intérêt sur la route, si ce n'est les Bunda Cliffs, à mi chemin sur là côte. Ce sont juste de grandes falaises (presque 100 mètres de haut) sur lesquelles viennent s'écraser les vagues de l'Antarctique. En se baladant à fleur de ces falaises, on a vraiment le sentiment d'être au bout du monde, à la ligne de séparation entre terre et mer. Autre point d'intérêt, les immenses dunes de sable qui se forment parfois sur la côte. Elles ont un petit air de Sahara, et on se prend au jeu à marcher dans le sable, un keffieh enroulé autour du visage, tandis que d'autres s'adonnent au "sandboarding". S'il y avait des tire-fesses on aurait peut-être essayé, mais on a jugé que le taux d'adrénaline procuré par la descente d'une pente de quelques mètres de dénivelé ne justifiait pas le taux de fatigue occasionné par la laborieuse remontée d'une dune de sable. 


Autre occupation sur la route : le poste de quarantaine à la frontière des états du South Australia et du Western Australia. En amont, c'est "comment manger et gérer tous les fruits et légumes qu'on a avant d'arriver à la frontière", en aval c'est "comment réussir à se procurer deux tristes pommes au prix d'un kilo au milieu du désert parce que les boîtes de conserve ça va un moment". Enfin, en aval, c'est aussi encore un décalage horaire. 1h30 en moins cette fois, ça change pas mal la donne. Enfin, on arrive à Norseman, première ville du Western Australia. On est vivants et en un seul morceau (enfin presque, j'ai laissée un bout de mon pouce droit sur une rest area un soir alors que j'essayais de réparer ma guitare avec un couteau). Il ne nous reste plus qu'à rouler direction les plages du sud maintenant, et cette perspective nous excite passablement. La patience a ses limites !


Chapitre IV : "Welcome in Western Australia", ou "ça y est, on peut dire qu'on a traversé l'Australie d'Est en Ouest !"


Oihan : Esperance, enfin ! Nous y voilà, la première bourgade du Western Australia vraiment intéressante, la première porte sur les plages paradisiaques et les parc nationaux uniques... Rapide visite de la ville, de sa plage, de sa jetée, de son unique clodo, Sammy pour ne pas le nommer (un phoque qui vit sous la jetée depuis plusieurs dizaines d'années maintenant), et direction le parc national de Cape Le Grand, un peu plus à l'est. On s'arrête devant le premier point d'intérêt du parc, The Frenchmen Peak, un peu avant l'heure du déjeuner. C'est une sorte de mont exclusivement caillouteux, dont le sommet semble bien mystérieux vu d'en bas. On prépare à manger, on enfourne le tout dans un sac à dos, et on décide d'aller manger au sommet.


 
L'ascension est vraiment très originale. La marche s'effectuent sur de la pierre brute, pas vraiment de sentier creusé donc, mais quelques piquets ça et là qui nous indiquent vaguement l'itinéraire le plus facile pour arriver au sommet. C'est à mi chemin entre escalade et ballade, et ça nous ouvre bien l'appétit ! On déjeune au sommet, vue imprenable sur tout le parc national. Ici aussi la roche a pris des formes plus qu'inhabituelles, formant des grottes, des plateaux, des empilements de gros cailloux. Elle semble avoir été façonnée par un artiste, mais n'est que le fruit d'enchaînements d'événements climatiques, éruptions, érosions. Après s'être liés d'amitiés avec quelques gros lézards indigènes, on redescend vers le Magic Bus. Direction Lucky Bay !




Sur le plan, c'est écrit : "Lucky Bay, élue plage la plus blanche d'Australie". Sur place, c'est absolument magnifique. La baie forme un arc de cercle parfait, le blanc immaculé de la plage rejoignant le bleu quasi translucide de l'eau, les vagues à surf se brisant au même instant sur tout la longueur de la plage. Je trouve le courage d'aller me baigner (il fait quand même assez froid, et le soleil est sur le point de se coucher), et je suis émerveillé par la transparence de l'eau. Le sable est si blanc que l'eau semble aussi claire que dans un piscine. Pas besoin de masque pour voir les petits poissons zigzaguer entre mes jambes. Les kangourous commencent à se rapprocher de la plage, à traverser les routes sans la moindre précaution. C'est le signal, il est temps de trouver un endroit pour dormir. On reprend la route direction Esperance, et on dort près du port. 


Le lendemain, on commence à rouler vers l'ouest. On découvre peu à peu les plages dont tout le monde nous avait parlé, les fameuses plages de l'ouest, tout simplement carte-postaliennes. On jette l'ancre à Twilight Bay (élue plage favorite des australiens), où des gros rochers cassent les vagues du large et nous offrent un petit paradis pour se baigner. Petit repas face à la mer, petite douche au milieu d'un troupeau d'abeilles énervées (petite crise de panique d'Isabelle : "elle m'attaquaient ! j'te jure, elles m'attaquaient !") et on reprend la route direction Albany cette fois. A mi chemin, le soleil étant sur le point de se coucher, nous prenons un petit chemin de gravier sillonnant entre des pâtures de moutons. On gare The Magic Bus à un endroit relativement plat, et on regarde le soleil se coucher, puis la lune se lever. C'est d'ailleurs à se demander lequel des deux éclaire le plus, tant la lune brille quand elle est pleine. En Australie (bon, j'ai pas vérifié mes sources, et je sais plus qui m'a raconté ça, mais j'aime bien cette théorie) étant plus près des pôles, l'air est plus pur et plus saturé de magnétisme, ce qui rend les couleurs des levers/couchers de soleil/lune plus vives. C'est vraiment incroyable, on en prend plein les yeux tous les soirs, et quand la lune est pleine, un immense cercle lumineux apparaît autour de l'astre.


Bref, un soir de pleine lune, nous nous endormons dans le van, bercés par le bellement occasionnel d'un mouton distant. Soudain, Isabelle me secoue pour me dire qu'il lui semble entendre un bruit dehors. Meeerde, on a oublié la poubelle dehors, grossière erreur quand on est dans le bush. Pas d'inquiétudes à avoir, ce doit être un kangourou, un wombat ou un lapin qui vient juste pour... "BAAM !!" oh putain c'était quoi ça ? Moi, très malin : "peut-être un ours qui vient de foncer sur la van ? Il y a des ours en Australie tu crois ?" "SHHRRRAAK" (coup de griffe sur la vitre arrière). Bon, restons calmes, on est dans le van, il peut rien nous arriver. Moi, très malin encore "de toute façon, le pire qu'il puisse nous arriver c'est que ce soit un humain !" (Un "humain", je suis vraiment nul en psychologie féminine de crise). On reste calme, à l'affût du moindre bruit, on essaye de voir quelque chose à travers la buée épaisse sur les vitres, mais rien. La bête ne pointera plus le bout de son nez de la nuit, Wikipedia nous rassurera le lendemain (à priori, pas d'ours en Australie), et nous ne laisserons plus jamais la poubelle dehors dans le bush.


Nous arrivons dans l'après-midi à Albany. C'est les vacances de Pâques, donc cinq jours de congé d'affilée pour tous les australiens, donc cinq jours de cauchemar pour tous les backpackers... Tout est bondé : supermarchés, routes, plages, ballades, sites touristiques, places de parking, campings gratuits... Nous nous rendons tout de même sur une petite péninsule au sud d'Albany. Personne ne nous en a vraiment parlé, mais sur la carte, la route a l'air jolie. Et c'est ça qui est dingue ici, en France, si on avait une telle merveille de la nature, elle détrônerait presque la Tour Eiffel en notoriété. Il y a tellement de merveilles de ce style en Australie, que parfois les guides n'en parlent même pas, et on se prend juste ça dans la gueule sans y être préparé. Des falaises immenses creusées par la force surhumaine des vagues, des rochers ronds et lisses comme de la peau de bébé, des trous dans la roche desquels s'échappe un puissant et bruyant mélange de vent et d'embruns ("blowholes"), et un petit coucher de soleil pour arroser tout ça d'une lumière orangée. Sublime. On dort au bout de cette péninsule, sur une plage. Et le lendemain, c'est...


Isabelle : MON ANNIVERSAIRE!!!
Cette année, pas de mal de tête suite à une folle nuit avec mes amis. 8h pétantes, je saute du lit, enfile un maillot et cours à l'eau !! Youhou, ça réveille plus qu'un café ! C'est tellement rare que c'est vraiment agréable de nager seule, en mer. Quand Oihan me rejoint, on se lance même dans un mini footing sur le sable : je sais pas ce qu'il nous prend ! Sur la lancée, on se jette sous la douche froide de la plage et nous voilà fin prêts pour le petit-déjeuner. On se promène par-ci par là et nous voilà de retour à Albany pour midi. On s'installe dans un parc pour manger les hamburgers maison qu'Oihan m'a préparés : je suis plus que chouchoutée !! Je sais plus ce qu'on a fait dans l'après-midi mais ce qui est sûr, c'est que les tortillas maison pour dîner étaient délicieuses ! Oui je sais, je parle que de bouffe, mais j'ai l'impression qu'on a fait que manger ce jour-là ! J'ai même eu le droit à un cocktail rhum + jus de pommes/fruits rouges : on était déjà "pompettes" à la moitié du verre. On tient plus du tout l'alcool, c'est inquiétant. J'avoue que j'avais un peu le cafard d'être loin de mes amis pour mon anniversaire mais ça a été chouette aussi de le fêter à l'australienne. Une journée plus que réussie !


Oihan : On se réveille sur le spot qu'on avait trouvé la veille au soir pour passer la soirée. On avait pas vraiment réalisé où on avait garé le van, et au réveil, on réalisé qu'on est à 10 mètres à tout péter de la mer. On a pas vraiment le choix, il faut qu'on aille piquer une tête... On se fait chasser de la plage par la pluie. Pas d'inquiétudes à avoir, ça n'est qu'une petite averse. Et puis Albany est une ville réputée pour être pluvieuse. Et il ne pleut quasiment jamais sur le sud-ouest, et encore moins à Perth. Tu parles ! La pluie va nous poursuivre jusqu'à Perth, rendant la semaine de voyage assez désagréable. Pas de chance.


On arrive à Denmark, aux portes de la Valley of the Giants. De Denmark à Margaret River, il y a une dizaine de parcs nationaux très réputés pour les arbres immenses qui y poussent. Ce sont des espèces d'eucalyptus qu'on ne trouve qu'ici, et qui sont monstrueusement gros et grands. Certains frisent les 100 mètres de haut. On est toujours en pleines vacances de Pâques, et tout est toujours aussi bondé. La foule, bruyante et gluante, nous dissuade de faire la "Top of the Trees Walk", une passerelle au sommet de ces géants qui donne une vue imprenable sur la forêt centenaire (et qui résiste étonnamment au poids du troupeau de touristes) et donne au reste de la forêt un goût amer de "zoo d'arbres". Je suis sûr que si un mec s'était installé pour vendre des petits sachets d'engrais pour donner à manger aux arbres, il aurait fait fortune. On fuit cette forêt, il y en a plein d'autres après tout. On se ballade un peu, entre deux averses, on se nettoie les poumons au milieu des géants. On se nourrit de l'air frais et humide, aux arômes d'eucalyptus et de mousse. 


On va faire un petit tour sur la côte, histoire de passer une nuit dans un vraie camping, et jouir de notre douche chaude mensuelle. D'ailleurs, celle-ci était pas très chaude, pas de chance encore...



Enfin, on arrive au bout du bout, à l'extrême Ouest. Ça y est, on peut dire qu'on a traversé l'Australie d'Est en Ouest ! Pour la première fois, la boussole scotchée au tableau de bord du Magic Bus indique le Nord. Les plages du sud-ouest sont connues pour être parmi les plus belles d'Australie, et les plus courues par les surfers du monde entier. Mais aujourd'hui, il pleut toujours autant, le vent c'est levé, le tonnerre gronde, et on est pris de mal de mer pendant la nuit tant le vent fait tanguer le Magic Bus. Pour nous consoler, la tempête a ses bons côtés : toute la côte est pourvue de gros rochers et récifs, qui ont dans l'histoire causé des dizaines de naufrages. La mer est tellement agitée qu'on reste scotchés, en admiration devant la puissance des vagues s'écrasant sur les rochers, les embruns se mêlant à la pluie portée par le vent du large, les mouettes luttant pour garder leurs plumes dans le bons sens, les trombes d'eau dévalant la côte déchiquetée comme un troupeau de bisons apeurés. Le mauvais temps va nous poursuivre encore quelque jours, nous dissuadant de prendre le temps de rouler jusqu'à Perth. 



Chapitre V : "Perth" ou "comment passer une semaine dans la vie privée d'un australien"





Isabelle : Yeaaah nous voilà ENFIN à Perth !! Apparemment, ce qui a de bien d'en l'Ouest de l'Australie, c'est qu'il y a peu de backpackers par rapport à l'Est. Tout le monde le dit, c'est vraiment sauvage ! Dès notre arrivée, on se trouve un parking près de la plage, à South Beach, pour casser la croûte. Quand tout à coup, on ouvre la fenêtre : "Pierre ! T'as été payé toi ?" "Salut" "Salut" "Héé les filles, on va manger ?" Le parking est envahi d'une cinquantaine de vans de backpackers, dont pratiquement que des français... On a du mal à se sentir dépaysés. Ca fait un peu gros squat, où tout le monde a sorti les chaises et tables de camping _ne permettant pas aux gens de se garer, une chanson de reggae provenant d'un des vans résonne dans tout le parking. C'est vrai que c'est un bel endroit pour jeter l'ancre, et que s'il y a autant de backpackers ici, c'est qu'ils ont probablement déjà fait le tour de la ville et que celui-là est sans doute le meilleur spot ! Ok, c'est décidé, on dort ici ce soir. Tant pis pour le "retour en France". Mais l'agression d'Oihan va nous faire changer d'avis ! Alors qu'il venait à peine de mettre les pieds dans les toilettes de la plage, une mamie (agressive) lui a sauté dessus en lui demandant s'il avait dormi ici, que c'était complètement illégal, et a fini par lui lancer le montant de l'amende que l'on encourrait en restant sur ce parking !! Il en est revenu choqué. On a même appris par la suite que tous ces jeunes ne dormaient pas en fait dans leur van mais sur la plage, car les rangers (sorte de garde champêtre) venaient toquer aux fenêtres tous les matins pour les chasser !
Okayyy, passons au plan numéro 2.


Comme prévu, on a rejoint mes anciens collègues allemands, Jan et Ronja, qui étaient arrivés quelques jours avant, pour vendre leur van avant le grand retour en Allemagne. Eux, ont trouvé un meilleur plan que le parking français. Ils nous racontent qu'ils crèchent chez un australien super sympa, à Fremantle, et nous proposent de partir en mer le lendemain avec eux. Wouawouu j'adore le plan numéro 2 !!



On arrive donc chez Dan, 40aine, genre surfeur divorcé, très accueillant. "Ce soir, j'ai un vernissage d'une galerie d'art, ça vous dit de venir ?" Et c'est parti !! On se sent un peu bouseux par rapport à tous ces bobo, mais ça nous fait rire de nous trouver là. Ils ont tous des looks décalés, boivent du lait et font mine de s'intéresser à toutes les œuvres d'art de la galerie. On est un peu mauvaise langue peut-être, mais là vraiment c'est ridicule. Quant à Dan, lui, dit bonjour à tout le monde, il a l'air sacrement connu ici. Fremantle ou "Freo" pour les locaux, est une ville très artistique, au sud ouest de Perth. Petites rues piétonnes, troncs d'arbre peints de toutes les couleurs, galeries d'art, marchés... Le port y est magnifique, ce qui donne à cette ville un aspect presque méditerranéen. On tombe sous le charme !

On finit la soirée au "Market", qui est une place où on peut manger toute sorte de plats asiatiques pour pas très cher : il y a le comptoir thaï, le japonais, le chinois, l'indien et le malaisien. On y reviendra plusieurs fois dans la semaine. Miam !




Le lendemain, direction Rottnest Island !! Au port, Dan nous explique quelques informations de secours en cas d'accident, et nous demande si on a le mal de mer. Heu... je sais pas. Je crois que je ne suis jamais allée en mer dans un petit bateau comme ça. On est excités comme des gosses !
Le bateau prend un peu de vitesse... on sort du port... il prend un peu plus de vitesse et ... WOAAA on atteint au moins les 200kms/h (je pense, vu la puissance du vent), le bateau fait des bonds d'au moins 5 mètres (vu le chamboulement de l'intérieur de mon ventre), on fait moins les malins !
Au bout de quelques minutes, je commence à vraiment apprécier la vitesse et les rebonds, et me crois libre comme l'air. C'est finalement très apaisant d'être en mer, de pouvoir prendre toutes les directions que l'on veut.
Sur le "chemin", Oihan aperçoit un dauphin. On est aux anges ! Au bout d'environ une heure, nous voilà arrivés sur l'île. On jette l'ancre (et cette fois, pas que symboliquement) près d'une plage paradisiaque. Et c'est à ces moments là, je pense, qu'une photo vaut mieux que de longues explications.




On a aperçu des phoques au loin, et on compte bien aller leur rendre une petite visite. Dan nous propose d'essayer de nager avec eux. L'idée nous enchante mais l'explication qui va suivre, un peu moins. Il nous explique que les phoques que l'on voit dans l'eau sont les femelles, et qu'il faut qu'on soit très prudents, car les mâles juchés sur leurs rochers seraient à deux nageoires de nous attaquer si on s'approchait de trop près de leur moitié. On prend nos masques/tubas, et interdiction de s'approcher des phoques, ils viendront vers nous s'ils ont envie. 


Plouf ! C'est parti ! L'eau est translucide et on aperçoit des bancs de harengs qui tournent autour de nous. Il y a vraiment des milliers de poissons ! Quant aux phoques, ils se sont éloignés. C'est pas grave, il y a tellement de choses à admirer, c'est vraiment un autre monde ! J'ai l'impression que chaque poisson a sa petite vie bien organisée, papa et maman amènent le petit à l'école et croisent les voisins sur le chemin...ok, jme crois dans "Le monde de Némo". Je suis un poisson des yeux...il se rapproche du corail...et AAARGH un énorme phoque arrive face à moi comme une flèche et oufff, remonte au dernier moment à la surface !! C'était une attaque, c'était une attaque ? Pas de panic Isa, tout le monde pousse des cries de joie à la surface, je crois que c'est bon signe. L'instant est magique. Les phoques nous passent dessous en nous regardant avec leurs grands yeux, en se tournant sur eux même et hop, se jettent à la surface, faisant des sauts spectaculaires en l'air !! Tout le monde rigole de joie, on en croit pas nos yeux. Ils nous font carrément un spectacle privé, ils sont vraiment à l'état sauvage. Pas de touristes, pas de show animalier dans des sortes de piscine, pas d'appareil photo. Là c'est du réel, on a vraiment l'impression de partager un moment avec eux, qu'ils sont autant émerveillés que nous. C'est merveilleux. On est d'ailleurs tous émus quand on y repense, ce sont des moments qui seront difficiles à partager mais que l'on garde dans nos mémoires... Même Dan qui a l'habitude d'aller nager près des phoques, ne les a jamais vu jouer comme ça avec des plongeurs. Quel privilège ! 



Heureusement que Dan nous ait dit que quelques jours plus tard, que c'est aussi un endroit à requins, puisque les phoques sont un de leurs repas préférés... Je sais pas si je me serais jetée à l'eau sachant ça...

Le Quokka, petit marsupial qui ne vit que sur Rottnest Island et qui, croyez-le ou non, est au sommet de la chaîne alimentaire sur l'île ! N'ayant aucun prédateur, il est très peu farouche et se ballade entre les jambes des clients du pub

Après une petite bière sur la terre ferme de l'île _qui est d'ailleurs une île où l'on a accès que par bateau, tous les trajets se faisant à vélo_ nous avons repris le cap pour Fremantle. Le retour se faisant encore plus violemment à cause du vent, mais cette fois on est tellement à l'aise, qu'on joue à celui qui tient debout sans se tenir avec les mains. C'est vraiment pas facile, mais je trouve que c'est un bon entraînement pour apprendre à surfer ! Une heure en mer à contempler le coucher de soleil que l'on laisse derrière nous : journée PARFAITE !


Comme tous les soirs de la semaine, on dînera ensemble, avec ses voisins. Il vit dans une petite ruelle, "Little Howard street", où tout le monde est pote. Ce sont que des petites maisonnettes côte à côte où l'ambiance est familiale. Chacun cuisine quelque chose, les repas sont délicieux. Dan nous présente beaucoup de ses amis, et on voit défiler des gens bien différents les uns des autres : Greg le pêcheur qui ramène du poisson frais, Steeve le photographe fou, toujours plein de blagues à raconter, Kamali, le vieux hippie pieds nus, qui chasse/pêche pour manger et vit dans son bus aménagé, Guy le musicien professionnel de jazz et j'en passe. On réalise que Dan se retrouve dans chacun d'eux, et que c'est quelqu'un de très intéressant. Il bosse en tant que guide touristique pour gagner un peu d'argent mais est surtout réalisateur de documentaire. Il a passé beaucoup de temps de son enfance dans une communauté aborigène, faisant de lui un amoureux de la nature et de l'histoire de l'Australie. Il nous raconte plein d'anecdotes qui nous font rêver, bref, ça fait un peu Père Castor je sais, mais vraiment, c'est un chouette gars ! On lui a fait une chanson "Oh Dano" pour le remercier (cliquez ici pour l'écouter), mais c'est rien par rapport à tout ce qu'il nous a apporté. ET, THE détail qui tue, Dan est aussi un copain à John Butler, oui oui le fameux...mais pas de chance, me dit-il, on aurait pu faire un barbeuk avec lui mais il vient juste de partir à Bali pour 3 semaines ! Alors là, ça aurait vraiment été la cerise sur le gâteau ! Je me sens quand même chanceuse d'être plus ou moins rentrée dans son cercle d'amis.


Chapitre VI : "Départ pour le grand Nord" ou "le Nullarbor c'est de la gnognote par rapport aux distances de l'Ouest !"


Isabelle : Samedi 7 mai _petit aparté, on a remarqué qu'on quittait toujours un endroit le 7ème jour du mois !! Depuis le 7 novembre où on a quitté Sydney, tous les 7 ont été des départs... Coïncidence ou pas, c'est quand même assez troublant. À méditer...
Donc samedi 7 mai : départ pour le Nord !!! Journée assez épuisante où on a beaucoup roulé. On passe la nuit au désert des Pinnacles où l'ambiance est à la fois magique et sordide. Magique, parce qu'il n'y a aucun bruit, et qu'on passe notre soirée à regarder le ciel traversé par des milliers d'étoiles filantes. Sordide car toutes ces roches ressemblent étrangement à des tombes et on a l'impression de dormir dans un cimetière ! Un cimetière touristique où il est formellement  interdit de dormir mais bon... 5h30 debout ! C'est le lever du soleil.






Quelques jours plus tard, nous voilà à Shark bay, la baie des requins. On peut y trouver beaucoup de dauphins, mais aussi des baleines, d'impressionnantes raies manta, des serpents de mer et des requins (comme son nom l'indique!). Il y a aussi des dugongs, sorte de phoque/vache de mer, mais ils sont rares apparemment. Dommage. Sur la route, on s'arrête à Shell Beach, qui est une très grande plage où l'eau est turquoise encore une fois et le sable est remplacé par de minuscules coquillages ! 



Tout au bout de cette péninsule, on s'arrête à Monkey Mia, plage réputée pour ses dauphins, qui viennent jusqu'au bord du sable tous les matins ! Ces dauphins ont commencé à avoir des contacts avec les hommes dans les années 60, quand ils suivaient les bateaux de pêche jusqu'au port pour attraper les poissons que les pêcheurs jetaient. Depuis, des rangers du parc national ont été engagés pour protéger ces dauphins mi-apprivoisés dont certains d'entre eux viennent occasionnellement près de la plage. 


Des mesures ont été prises pour que les dauphins ne deviennent pas complètement dépendants de l'homme pour leur subsistance. Chacun d'entre eux ne reçoit qu'environ 2kg, c'est à dire un tiers de sa ration quotidienne. Les heures de repas varient également pour éviter la dépendance.



Même si on s'y attendait, c'est quand même impressionnant d'être au bord de l'eau, et d'un coup, voir un aileron apparaître à 2 mètres du sable ! En plus de pouvoir les admirer parmi de nombreux touristes attroupés au bord de l'eau, j'ai eu la chance d'être choisie par les rangers, pour aller dans l'eau leur donner à manger ! Toute contente, j'ai carrément mis ma main entière dans sa gueule, faisant un petit peu peur aux rangers :) hihi
  


NOTRE QUOTIDIEN EN CE MOMENT C'EST ÇA :
On passe l'essentiel de nos journées à rouler, sur de longues routes en mauvais état, assez désertiques. Le bord de route est plutôt terreux et rouge, la végétation un peu cramée par un soleil de plomb. Quand on passe un village, enfin une zone civilisée on va dire, on s'approvisionne en eau, essence et nourriture. Bizarrement, on passe aussi beaucoup de temps à trouver des endroits pour dormir. Ça fait déjà deux fois qu'on se fait virer par un ranger à 7h du matin, parce qu'il est interdit de dormir dans son van. Comme si les australiens commencent à en avoir assez des backpackers...
Petit déjeuner et douche froide (quand on en trouve) et c'est parti !
Depuis 2/3 jours, on a encore un nouveau colocataire de van : Mini Pam ! Bien plus petite que Pam mais bien plus aventureuse pour le coup : elle monte sur les coussins quand on dort et elle m'est même montée sur les genoux quand on roulait ! Un peu tarée sur les bords la Mini Pam, mais trop mignonne pour qu'on sorte la tapette cette fois. En espérant qu'elle s'échappe d'elle même...



Aujourd'hui jeudi 12 mai, départ pour Ningaloo reef !! La barrière de corail de l'Ouest tenant tête à celle du Queensland. Elle est plus petite mais tout aussi magnifique que celle de l'Est, et ce qu'il y a de plus pratique, c'est qu'on peut y aller à la nage. Pas besoin de louer un bateau comme c'est le cas pour la "Great Barrier Reef" et il y a 10 fois moins de touristes. Beaucoup de gens préfèrent celle de l'Ouest car plus sauvage. En plus, c'est encore la saison des requins-baleines. On s'est même acheté un appareil photo étanche et des palmes pour l'occasion !

EN AVANT GUINGAMP !!!