jeudi 31 mars 2011

Oihan : j'me barre, ciao ciao le Riverland j'me barre, jm'en vais respirer autre part, wo wo wooo

Renmark (oui je sais encore, c'est la dernière fois, promis !)
Riverland, South Australia, 01 Avril 2011



Chapitre I : "El Greco", ou "mes premiers pas dans la mafia"

Dimanche 06 Mars, 6h du matin. Tout le monde se réveille, plus ou moins facilement. Les premiers levés vont toquer à la vitre des vans encore inanimés, et l'air du carpark s'emplit du fumet des différents cafés solubles de sous marque que chacun se prépare (sauf bien sûr les italiens, qui ne voyagent jamais sans leur moka). Difficile de revêtir nos fringues de travail après 4 jours (et nuits) de vacances. Les dernières soirées ont été très agréables, ponctuées de repas collectifs, longues nuits à refaire le monde, cercles de chaises de camping d'un rayon avoisinant les 10 mètres, et de "goon". Le "goon" est l'argot australien pour notre bon vieux cubi de vin. A l'origine, c'est l'argot australien pour "oreiller", mais les conducteurs de camions du désert ont très vite remarqué que le même mot pouvait être utilisé pour les deux objets - pour ceux qui n'ont pas saisi, un cubi une fois bien vidé peut être gonflé et servir d'oreiller. En Australie, certains produits sont très, très, très taxés. Un paquet de cigarette coûte $20 ou $30, un petit bout de camembert $30, un pack de 6 bières entre $10 et $20, et une bouteille de vin... Par contre, le "goon" est relativement abordable, et ce triste constat fait de ce carton cubique de 4 ou 5 litres le compagnon idéal du backpacker, même si il contient trop souvent du mauvais blanc trop sucré, ou du rouge-qui-tâche-beaucoup.


Le petit peloton de vans fumants et cahotants démarre et se dirige vers la ferme d'El Greco. Le grand père d'El Greco nous accueille, et nous guide vers le block. On commence tous à ramasser le raisin, chacun dans sa rangée, tous avec la même pince coupante à $4 du "Reject Shop". Première petite déception : Jane, la femme d'El Greco, passe dans les rangs pour écrire nos noms sur sa feuille, et j'en profite pour lui demander de me confirmer le montant du salaire qui avait été annoncé par téléphone. Elle me donne un chiffre, qui n'est ni plus ni moins la moitié de celui annoncé. Bon. On remplit nos petites box le plus vite qu'on peut, et le frère d'El Greco passe dans les rangs, écrase le raisin au fond des box, et nous demande de les re-remplir jusqu'au bord (sa vision du "bord" étant un montagne de raisin à deux doigts de s'effondrer). Il nous dit aussi que ce raisin va être vendu dans les marchés, et qu'on a qu'à remplir les box de raisin pourri et mettre des jolies grappes sur le dessus. Bon. Je commence à faire des petits calculs dans ma tête. Malgré tout ça, si je travaille dur toute la journée, je peux tout de même gagner pas mal d'argent. Il est 9h du matin, cela fait 2 heures à peu près qu'on travaille, et El Greco en personne vient et nous demande d'arrêter pour aujourd'hui. Il a assez de box. Bon.


Branle bas de combat, tout le monde rentre au carpark, ça débat dans tout les sens. "C'est quoi ce boulot pourri !", "On est pas des chiens !", "Est-ce que demain ce sera mieux ?", "Moi, je me casse !", "Et Simone, qui nous a tous fait venir à ce boulot, il est où ?". Petit coup de fil, Simone et Han, qui ont flairé le boulot pourri dès les premières minutes, ont été discuter avec El Greco et ont obtenu un boulot payé à l'heure : charger les box pleines sur le tracteur à la fin du picking. La moitié des backpacker se sentent dupés, et vont réclamer les $20 gagnés aujourd'hui à El Greco pour se barrer d'ici. Ce dernier essaye d'éviter qu'on s'en aille tous, et nous promet que demain, on travaillera toute la journée, et on ramassera du Shiraz, et ce sera donc payé deux fois plus. Le lendemain matin, on est une petite poignée de backpackers à tenter à nouveau notre chance. C'est bel et bien payé deux fois plus, mais on travaille trois quarts d'heure, et El Greco nous annonce 3 days off, revenez dans 4 jours.


La ferme d'El Greco se niche dans la "Greek Street". Toutes les maisons avoisinantes sont habitées par des grecs. Dans les champs, on peut voir la différence entre les rangées pleines de bons raisin car arrosées de soleil, et les rangées pourries. Les bonnes rangées sont réservées aux copains grecs, et les mauvaises aux backpackers et immigrés afghans. D'ailleurs, on apprend plus tard que les afghans, qui ne parlent pas un mot d'anglais, sont payés deux fois moins que nous. On apprend aussi qu'El Greco est propriétaire de 60% des magasins de Renmark. On découvre qu'El Greco à eu des démêlés avec la justice pour une affaire fiscale, mais que pour des raisons obscures, cette affaire lui a rapporté de l'argent. Enfin, on apprend que le grand père, à son arrivée en Australie, à fait fortune avec l'agriculture de cannabis.

Je vais récupérer mon argent à la ferme après une petite semaine de travail. J'ai l'habitude des patrons qui payent mal, mais j'ai pas envie de travailler pour un mec aussi irrespectueux. Je sais très bien que c'est le genre de gars avec lequel tu peux obtenir ce que tu veux à condition de lui faire comprendre que tu te laisses pas marcher sur les pieds, et que c'est toi qui pose les conditions, mais j'ai pas envie de jouer à ce petit jeu. La mise en scène du paiement et quand même assez drôle. El Greco nous fait entrer dans un grand hangar. Dans ce hangar, il y a une table, deux chaises, un cendrier, et 4 ou 5 voitures cachées pas un bâche (on peut deviner à la forme que prend la bâche les courbes de voitures de sport de collection). Il nous demande notre nom, marche au fond du hangar jusqu'à ce que l'écho de ses pas ne soit plus que murmure, et revient avec une enveloppe.


Chapitre II : "The Magic Bus", ou "pourquoi j'ai du rester trois semaines de plus dans le Riverland"

J'ai décidé de ne pas payer l'amende pour excès de vitesse pour l'instant. C'est vraiment trop cher, et injuste. Je suis respectueux de l'Australie, tout ce que je fais, je le fais dans les règles, je n'ai jamais volé dans les supermarchés (contrairement à tous les backpackers - particulièrement les français d'ailleurs - qui font leurs courses gratuitement), je ne conduis jamais si j'ai bu, je respecte les limitations de vitesse au maximum. Par contre, je suis les conseils du flic et amène The Magic Bus au garage pour contrôler mes pneus. En effet, ils sont vraiment pourris, et il faut que je les change. Et si je les change il faut que je refasse le parallélisme. Je vais donc dans un autre garage parce que le premier n'avait pas la machine pour faire le parallélisme. Le garagiste me change les pneus, mais me dit qu'il ne peut pas faire le parallélisme parce que une des rotules est morte, et que donc il faut changer cette rotule avant.

Je vais voir Raf, nommé garagiste officiel des backpackers du carpark, et plus particulièrement (vu qu'il n'a pas vraiment les outils pour tout réparer lui-même) vérificateur-que-les-garagistes-n'essayent-pas-de-nous-entuber. Une fois The Magic Bus monté sur deux cricks, il me montre qu'en effet la rotule avant gauche est morte. Retour au garage, ok pour le changement de rotule, quand est-ce que tu peux me faire ça ? La rotule neuve doit être commandée à Sydney, et peut mettre une semaine à arriver.

Bon. Il va me falloir un nouveau boulot. D'une pour faire quelque chose pendant cette semaine d'attente, de deux pour payer toutes ces réparations. Romain et Guillaume, deux backpackers français avec qui je bossais au boulot de pêches, font les vendanges pour une italienne qui à l'air sérieuse et qui paye pas trop mal. Je l'appelle et elle accepte de m'embaucher.


Chapitre III : "Home, sweet home", ou "comment j'ai un peu baisé El Greco à mon tour"

Simone et Han (et Vic qui voyageait à l'origine avec Romain et Guillaume, mais qui s'est séparé d'eux) se sont accrochés au boulot du grec. Ils ont réussi à se faire respecter, et ont maintenant un bon boulot, l'assurance que El Greco va tricher et leur marquer plus de jours pour le renouvellement de visa, et une maison gratuite. C'est une petite maison un peu abandonnée, au milieu de nulle part, dont El Greco n'a plus besoin et qu'il prête parfois à ses employés. Simone et Han ont fait le ménage à fond, installé le confort minimum (chaîne stéréo, télé, Xbox 360), allumé la clim, et nous ont invités à venir dans la maison.


Evidemment, l'usage de cette maison est exclusivement réservé aux employés d'El Greco, mais en théorie, on ne vit pas dedans, vu qu'on dort dans nos vans garés devant la maison. On est juste invités pendant la journée et la soirée. D'ailleurs, on n'y reste pas tout le temps, on passe quand même quelques nuits au carpark, mais ça fait un bien fou d'aller passer du temps dans cette maison, après presque 5 mois à vivre dans le van.

Bien sûr, la maison devient le nouveau fief de nos délires gastronomiques, et tout le monde cuisine chacun son tour. D'ailleurs, la maison possède un petit potager, qui est comme un appel à cuisiner. Se succèdent : lasagnes maison, riz frit à la coréenne, porc au caramel, beignets de fleurs de potiron (fleurs trouvées dans le potager), brochettes de kangourou sauce au poivre et purée maison, tortilla de patatas avec poivrons du jardin, nouilles sautées au poulet à la coréenne (à chaque fois que je dis "à la coréenne", ça veut dire que Han à mis trois cuillerées à soupe de pâte de piments coréens, et qu'on doit abaisser la température de la clim de quelques degrés après manger).


Romain et Guillaume ont un ukulele, et je suis très vite proclamé professeur de ukulele pour tous les résidents de la maison. En réalité, ils apprennent tous le même morceau, et tout le monde commence à en avoir marre d'entendre tout le temps la même chose. Pour mettre un terme à l'oppression permanente de ce morceau sur nos pauvres oreilles qui aimeraient vraiment passer à autre chose, on décide d'enregistrer la chanson. Le clip est kitchissime, mais c'est un très bon souvenir pour nous tous.


J'interromps brièvement cet article pour vous raconter une petite anecdote. Je viens de sortir sur le parking de la bibli pour me faire à manger. Alors que je joue de la guitare (parce que j'ai une guitare, j'y reviendrais) en attendant que l'eau boue pour les pâtes, un couple d'australiens qui va pour rentrer dans sa voiture me regarde. La femme me demande avec un grand sourire si je m'appelle John. Je lui dit que non, et elle rentre dans sa voiture. Je me remets à jouer et elle ouvre la fenêtre. Je lui demande en rigolant : "Pourquoi John ?". Elle me répond que elle et son mari croient que chaque jour que Dieu fait, Jésus leur donne une mission à accomplir. Ce matin quand ils se sont réveillés, leur mission était de trouver un peintre qui avait mal à l'épaule et à l'estomac et de le guérir, et de trouver un John qui portait des chaussures et de le toucher. Ils ont remarqué que je portais des chaussures et ça les a alertés. Je leur réponds que je suis ni John, ni le peintre qui a mal à l'épaule et à l'estomac. Ils me disent que c'est pas grave du tout, mais est-ce que je veux qu'ils prient pour quelque chose. Je réfléchis quelques secondes, leur dit que je suis désolé, que je suis pas très matérialiste, mais qu'ici en Australie, la seule chose que j'ai c'est mon van, et que si ils devaient prier pour quelque chose, ce serait pour lui. Ni une ni deux ils sortent de leur voiture, touchent le van d'un main et se prennent l'autre, et l'homme commence à réciter une prière à l'adresse du van, de son moteur, de ses freins et de ses roues. La bénédiction dure cinq bonnes minutes, ponctuée par la femme de "Yeah, yeah", "Alleluhia" et "Amen".

Voilà, à priori, j'suis couvert !


Chapitre IV : "Franca Golding", ou "raisin, guitare et douche"

Je commence mon nouveau job chez Franca, patronne d'un vignoble familial italien. La description de Franca est à peu près la même que celle de Bill, le boss du boulot de pêches : fort accent, obèse, chapeau de paille, ne se déplace jamais de plus de 2 mètres sans son 4x4 gris métallisé. Elle est sympa, et m'a embauché parce qu'elle déteste El Greco, et que ça lui faisait plaisir de me sortir de ses griffes. El Greco entube tellement à tous les niveaux qu'il a les prix les plus bas sur le marché du raisin de Sydney, et tous les autres fermiers le détestent.


Travaillent pour Franca : son mari, qu'elle engueule tout le temps, son fils obèse qui est plus bête que ses pieds, et Jess, un australien un peu fou qui conduit le tracteur. On est une belle brochette de backpackers à faire les vendanges, et un couple turc très gentil (je me suis remémoré quelques mots turcs que j'avais appris quand j'étais à Istanbul, vous vous souvenez, Elsa et Bastien, que "chez Kur et Derhim", il faut être très poli, et que donc les turcs ont pris l'habitude pour dire merci de dire : "T'es chez Kur et Derhim"). On ramasse toute sorte de variétés de raisin : du noir, du blanc, du gros, du petit, du Shiraz, du Malaga, du Muscat, du Mataro, du Doradillo... Mon préféré c'est le Muscat noir, il est vraiment bon. C'est un boulot payé au rendement, on compte les box de 10 ou 15 kilos qu'on remplit, et on remplit un papier à la fin de la journée. En fonction de la taille du raisin et de la facilité de le ramasser, le prix de la box peut varier de $1,20 à $2,60.

Vous avez souvent des kangourous qui sautent au milieu de votre lieu de travail ?

En Australie, il y a deux types de fermiers : ceux qui veulent un travail vite fait, et ceux qui veulent un travail bien fait. Pour le bien fait, c'est payé à l'heure. Pour le vite fait, c'est au rendement. Les pickers voient alors le boulot comme un jeu, doivent ramasser le plus possible, le plus longtemps possible, c'est une sorte de course. Je n'ai jamais été très bon pour les boulots payés au rendement. Le principe même de ce genre de boulot, c'est que tu deviens un bon picker quand tu a compris et assimilé tous les moyens de baiser le patron, du style comment remplir les box a moitié sans que ça se voit, comment ne pas perdre de temps à ramasser les mauvais fruits sans se faire engueuler... Moi j'y arrives pas, je suis trop scolaire, on me dit de faire comme ça, je fais comme ça. Donc ici, comme à chaque fois, je gagne moins que les autres. Seulement cette fois, et pour la première fois, je me vois récompensé ! Franca remarque que je fais du bon boulot, et m'envoie ramasser du raisin énorme et bien payé parce qu'elle sait que je le ramasserai bien. C'est gratifiant.


Je passe donc trois semaines à bosser dans cette ferme. Quand le boulot finit tôt, je propose à Franca de faire un peu de jardinage, de tondre la pelouse (oui, je sais Pascal, je la tonds jamais à la maison, mais bon là c'est payé $20 de l'heure). Le fils de Franca, gros débile obèse, adore faire des conneries. Du genre essayer un raccourci avec le tracteur qui ramène le fruit du labeur de toute une journée, et tout faire tomber par terre, faisant perdre quelques $1000 à sa mère. Ou bien rouler comme un taré avec son tracteur dans les rangées de vignes, et écraser nos box (souvent vides, mais parfois pleines). Jess est super cool. Il fait des blagues à longueur de journée et se rend vraiment serviable. On (Guillaume, Romain et moi) lui dit que ça fait quelques mois qu'on ne se douche qu'à la douche solaire, et il se démenne pour nous trouver une douche gratuite. Il en trouve une, dans une station service, à à peine 2 km du boulot. C'est royal, enfin une vraie douche chaude (il y en avait une dans la maison de Simone et Han, mais l'eau sentait un peu l'œuf pourri). Je lui dis que je cherche une guitare d'occasion, et il me dit qu'il peut me vendre celle de sa fille, elle ne s'en sert jamais. Quand il me l'amène, je lui demande combien il veut, et il me dit de lui donner ce que je veux. Et il est aux anges quand je lui apporte un pack de Fat Yak, incontestablement la meilleure bière d'Australie.

Chapitre V : "Le temps des adieux", ou "la malédiction de Renmark"

Vous vous souvenez de Ricardo et Franccesca, le couple d'italiens qui avaient quitté le carpark il y a de ça un mois. Je ne vous avait pas tout dit : la veille de leur date de départ, ils avaient cassé leur van, les obligeant à rester le réparer quelques jours. Ca n'a pas été les plus malchanceux, mais c'est ainsi que la malédiction de Renmark a commencé. Depuis, deux belges et un basque qui voyageaient dans un van ont cassé leur moteur à Renmark, trois français ont réalisé au carpark que le van qu'ils venaient d'acheter n'irait pas plus loin, et bien d'autres. Au début, on prenait pas vraiment cette malédiction au sérieux, mais ça a été beaucoup plus loin. On a réalisé qu'il était impossible de partir de Renmark. Prenez mon exemple, ça fait quand même 2 mois et demi que je suis ici. J'ai toujours eu de bonnes raisons de rester, mais c'est quand même bizarre que je sois resté 2 mois et demi ici alors qu'il y a tant de choses à voir en Australie.


Romain et Guillaume ont essayé de partir plusieurs fois, sans succès. A chaque fois qu'il trouvaient une bonne raison de partir, un boulot par exemple, ça foirait, et ils se retrouvaient à revenir au point de départ. Un jour, ils ont réalisé que c'était eux qui décidaient, que c'était à eux de prendre leur vie en main et qu'ils allaient pas se laisser contrôler par une stupide malédiction ! Ils ont roulé 40 km, et le van s'est arrêté. Ils ne se sont pas laissés abattre, ont apporté le van au garage, et ont continué en stop. 500 km, ils ont commencé un boulot, mais ça leur a pas plu et ils sont rentrés au bercail, récupérer leur van. Mais la malédiction a laissé sa trace : malgré qu'ils aient payé plus de $2000 pour réparer leur van, le garagiste les a prévenus qu'il pouvait casser à tout moment, au bon vouloir de la malédiction...

Hell yeah, I bloody enjoyed the - phyloxera free - Riverland
 Il faut donc être très prudent, et trouver le bon moment pour partir. Il y a un mois, c'était pas le bon moment pour moi. J'ai voulu partir et j'ai finalement du payer $500 de garage. Maintenant, c'est le bon moment. En plus je viens d'avoir la bénédiction de deux fanatiques aujourd'hui donc j'ai rien à craindre. Une vague de départ souffle sur Renmark. Gianade, Paula, Marie et Natalia sont parties, Stef et Gaëlle sont parties avec Martin et Julie Queheille de Feas (à ce jour la personne la plus proche de chez moi que j'ai rencontré en Australie), Felix et Greta sont partis, Raf et Alex sont partis, Guillaume et Romain sont partis, et plus récemment, Simone, Han et Vic sont partis. Ne restent plus que Giorgio, Marghe et moi, mais on va prendre la vague et partir tous les trois ce week end. On profite de nos dernières soirées en tête à tête, comme au début, comme il y a 2 mois et demi, avant de se dire au revoir. C'est con, mais je me suis bien attaché à ces deux p'tit émeus !


Et mon van-mate au fait ? Qui est l'heureux(se) élu(e) qui embarquera à bord du Magic Bus pour traverser le désert de Nullarbor Plains, se baigner dans les plages d'Espérance et longer la Margaret River jusqu'à Perth ? Isabelle travaille très dur avec Gotcha, et a vraiment besoin d'un break. Sa boss lui a donné son accord pour arrêter quelques semaines et revenir quand elle veut. On a donc décidé de re-voyager ensemble, jusqu'à Perth. Là bas, j'ai envie de faire du WOOFF, et Isabelle aussi peut-être, on va voir comment on va s'organiser. En tout cas, on repart user le bitume, faire tourner le compteur de kilomètres et faire chauffer la carte SD de nos appareil photo. Western Australia, nous voilà !

Epilogue : The Bredl's wildlife (car)park

Ca fait maintenant 2 mois et demi qu'on dort sur ce parking. A la base, c'est le parking d'un zoo, the Bredl's wildlife park. On a pu profiter longuement de ses occupants, donnant du vieux pain aux émeus, regardant les kangourous et les singes se dandiner au coucher du soleil, entendant les dingos saluer bruyamment le lever du soleil. Bredl's est un amoureux de la nature et des animaux. Un vieux barbu aventurier. Je crois que c'est lui même qui a capturé la plupart de ses animaux. Même les croco. Hier, Giorgio m'a montré la première page du journal : le parc va fermer, faute de visiteurs. Bredl's n'arrive plus à payer les frais du zoo. Il explique dans son interview que les jeunes aujourd'hui ne sont plus intéressés que par internet et les jeux vidéos, et que les moins jeunes n'en ont que pour leurs voitures tunning. Ce zoo, c'est la seule "attraction" du Riverland, et le gouvernement ne veut pas débourser les quelques $50 000 qu'il faudrait pour sauver le zoo, alors qu'il en donne 8 millions par an au zoo d'Adelaïde juste pour ses deux pandas.

Petit cours de pêche : trouvez un kangourou mort au bord de la route, coupez-en un morceau, mettez le dans un filet, jetez le filet à l'eau, récupérez son contenu, faites le bouillir, dégustez chaud !

Demain, c'est le grand départ. Je quitte le Riverland direction Adelaïde pour récupérer Isabelle à l'aéroport. Alors on s'est dit avec Giorgio et Marghe que ça pourrait être un bon hommage, pour le carpark, pour Bredl's, d'aller enfin visiter ce zoo de l'intérieur. Un bon moyen de se dire au revoir. En tout cas, pour ce soir, Marghe a réussi à trouver quelqu'un qui peut nous préter son four, et va ENFIN préparer des pizzas maison. Ma première pizza en Australie, et pas des moindres à mon avis.

mercredi 16 mars 2011

Isabelle : le retour !

Barkly Homestead, In the middle of nowhere (NT), 14/03/11, 11pm:




OUF il s'en est passé des choses depuis 2 mois, par où commencer...

J'ai démarré mon job chez "Gotcha! The kids photographers" à Adelaide (SA) il y a de ça 2 mois maintenant. Depuis, ma vie australienne a complètement changé !
Oihan a dû partir à la recherche de fruit picking en campagne alors que je rencontrai ma nouvelle équipe et un nouveau style de vie. Avec ce boulot, ce qui a de bien _entre autres_ c'est que je ne suis jamais seule ! Mes collègues sont aussi mes colocataires, car la compagnie nous paye aussi le logement.
J'ai donc plutôt intérêt de bien m'entendre avec eux...ce qui n'a pas toujours été le cas, j'y reviendrai plus tard.
 

LE JOB: nous avons une sorte de stand, de studio itinérant, que l'on monte toutes les 2 semaines dans un nouveau centre commercial. Tout l'équipement est de haute technologie (appareil photo, lumières etc.), et est complètement fourni. 
Une personne prend les photos, une autre fait rire les enfants (le "tickeling"), et une autre stoppe les parents (le "PR") dans le centre commercial et présente notre activité. "Quel âge a votre enfant ? Voici le genre de photo que nous faisons pour cet âge (montrant quelques photos couleurs et N&B). La session ne coûte que 7 dollars et on vous offre une photo gratuite ! C'est parti ça va être super !" Évidemment, il ne faut pas s'arrêter là, il faut batailler, batailler, batailler, jusqu'à ce qu'il cède.... Ensuite il faut préparer l'enfant, l'habiller correctement, le coiffer, lui laver le visage, le mettre à l'aise etc. Le PR a vraiment été dur pour moi au début, car je n'étais vraiment pas à l'aise en anglais. Et là pour le coup, c'est de la pure communication !
Une fois la session finie, il faut préparer un rdv avec les parents pour qu'ils récupèrent les photos deux semaines plus tard. Ils ont juste à revenir au même endroit, où l'équipe de vente leur présenteront les meilleures photos de leurs enfants, imprimées en différentes tailles.
Je leur propose ensuite des accessoires, comme des portes-clés ou des aimants pour le frigo, puis encaisse la monnaie.

On a des objectifs à atteindre: entre 20 et 30 clients par jour, ce qui est énorme ! Le rythme est donc soutenu toute la journée, le PR ne doit pas s'arrêter !

On a un salaire minimum, mais cela peut monter en fonction des objectifs atteints ou pas.
On a une voiture de fonction (automatique) avec une remorque pour mettre tout le matos. Et comme je disais, les logements sont fournis, partout où je vais.



Le 1er appart que j'ai eu à Adelaide était au bord de la plage. C'était juste le rêve ! Seul hic, je l'ai partagé avec 2 de mes collègues new zélandaises qui étaient vraiment bizarres. Je n'ai pas envie de m'attarder sur cette période là (une semaine) car ça a vraiment été dure pour moi. Tout était nouveau, donc assez stressant, et ces filles là étaient tout simplement racistes. Étant donné qu'elles buvaient une bouteille de vodka par soirée, et qu'elles m'insultaient à longueur de journée, j'ai finalement appelé le boss à la fin de la semaine pour lui dire que je ne tiendrai pas une semaine de plus. Il a évidemment répondu que c'était inacceptable bla bla bla et m'a muté pour Berri (campagne d'Adelaide où était Oihan à ce moment là) pour une semaine. Ouf, quel soulagement !
Le boulot commençait mal pour moi, mais j'avais toujours cette motivation pour travailler avec eux.

La semaine à Berri s'est très bien passée. J'ai pu rencontrer les amis d'Oihan et découvrir son nouveau quotidien. Quelle coïncidence quand même d'avoir été mutée à Berri ! Le 1er jour est tout juste insupportable : le compteur annonce 45°C !! J'ai carrément les yeux qui brûlent avec l'air, c'est horrible.
On est logé dans un super cottage au milieu d'un park, c'est le grand luxe pour moi !


Nouveau changement : je suis mutée à Alice Springs !!! En plein milieu du désert !! Je suis si heureuse, car je ne pensais pas avoir le temps d'aller dans le désert pendant mon voyage car c'est vraiment loin, et l'essence est vraiment trop chère. Donc là c'était juste insensé pour moi de pouvoir y aller, tout en gagnant de l'argent ! J'ai du mal à y croire, mais un vol est prévu à mon nom, d'Adelaide, pour le dimanche 6 février. Telle une femme d'affaire, j'ai eu juste à me pointer au guichet avec mon passeport et mon numéro de ticket. EASY !!


De l'avion, je survole le désert et suis surprise de ne voir que du... VERT !!!
Je pensais que le désert était rouge et sec. En fait, il y a beaucoup de végétation.
À l'aéroport, je retrouve ma nouvelle manager de ma nouvelle équipe, elle est hollandaise, c'est Emma ! Elle bosse avec Gotcha depuis maintenant 2 ans, et est là à Alice Springs pour m'apprendre le "tickeling" et la photo. (le + dur étant le PR)
On est logé dans un caravan park, dans une sorte de bungalow. Quatre nouvelles personnes nous rejoignent, des allemands : Ronja et Jan, qui travailleront avec nous et deux amis à eux, Marc et Lucas qui sont juste à Alice Springs pour une semaine. Nous, on y est finalement resté 4 semaines !!

En haut : Ronja ; gauche à dr.: Emma, Jan, Lucas, me and Marc

Emma est très carrée, elle m'explique que j'ai appris certaines choses fausses à Adelaide, et donc me reforme en quelque sorte. C'est assez stressant car elle nous demande d'être au top, on a pas le droit à l'erreur.
Après le boulot, c'est juste détente : bières, jeux et bonne bouffe. Mes 1ères payes commencent à tomber, ça fait bizarre d'avoir de l'argent :) Le week-end c'est grosses sorties !!




Mon anglais s'améliore à vitesse grand V, car là pour le coup, je n'ai pas le choix. C'est 24/24h !
On a même un jeux à l'appart, c'est le "game of life" : pour chaque mot prononcé dans sa langue maternelle, c'est 10 pompes pour les garçons, 5 pour les filles. Je peux vous dire que les "merde" et "putain" se sont vite effacés de mon vocabulaire !
La bonne ambiance et la confiance s'installe dans l'équipe et on commence à vraiment bien travailler.
Un dimanche, on part se baigner dans un Waterhole, sorte de piscine naturelle au milieu de grosses roches. L'endroit est juste paradisiaque, l'eau est chaude et on peut même sauter d'un arbre avec une corde ! 

Ronja and me
saut

Mauvaise nouvelle : Emma doit repartir à Adelaide pour aider une autre équipe, et donc nous laisse seules à Alice Springs. Les 2 amis allemands s'en vont aussi pour les USA. Au compteur, il ne reste plus que Ronja, Jan et moi.
Et là c'est le drame. 3 personnes dans une équipe c'est vraiment trop juste pour travailler. Le stress monte. Va-t-on y arriver ? Emma nous donne les dernières recommandations. Mon objectif : être la plus rapide que je peux, 9h/jour, 6/7jours.
On se donne à fond pendant 2 semaines. Heures supp tous les jours, pas de pause déjeuner, et pas de jour de repos à part le dimanche.
Parfois, le ton monte dans l'équipe mais c'est juste dû au stress, on s'entend très bien.
Kings Canyon
On prévoit même un road trip de 3 jours (Lydia la boss nous donne un lundi de congés) pour aller à Kings Kanyon et Uluru !! 


On part en van (van des allemands), la route est longue et il fait sacrement chaud dans le désert.
On a fait une marche de 4h dans le Canyon : c'était absolument grandiose ! Seul bémol, j'ai laissé mes chaussures de marche dans mon ancien van : une rando en tongues n'est vraiment plus à refaire !!
Arrivée un peu tardive à Uluru, on manque de peu le coucher de soleil.
On dort en cachette dans un caravan park (donc gratuit) où on rencontre des français, des allemands et un basque de Bilbao, ingénieur du son (décidément !) qui a vécu 10 à Madrid. ça fait vraiment du bien, de trouver quelqu'un qui a une sorte de passé commun, je me sens un peu comme à la maison :)


Le lendemain, debout 5h : on assiste au lever du soleil sur Uluru ! La roche change de couleur au fur et à mesure, c'est vraiment beau.... J'arrive à me frayer un passage au milieu d'une bonne centaine de touristes pour prendre une photo. C'est dommage qu'il y ait autant de monde... Vite filons d'ici ! 

Petit marche autour de cette montagne rocheuse et direction The Olgas ! Ces roches sont le plus grand héritage aborigène en Australie. C'est l'héritage d'une culture, d'un savoir-vivre, de lois, transmis de générations en générations. C'est un endroit sacré pour les aborigènes. Il est d'ailleurs interdit de grimper Uluru, mais nombreux touristes inconscients y ont laissé leur vie :(

Pendant 4 semaines dans le désert, j'ai appris à vivre avec les abo.
Mes 1ères impressions ont été assez négatives à vrai dire : ils boivent de l'alcool toute la journée parce qu'ils n'ont rien à faire, ils sentent mauvais, sont bourrés et donc se bagarrent en pleine rue.Ils sont complètement en marge de la société australienne. Les australiens les voient comme des animaux, qui n'ont aucune éducation. Leur culture est tellement différente, qu'ils n'arrivent pas à s'adapter à la junk food (Mc Donald etc), à l'alcool, aux supermarchés... Le gouvernement leur verse de l'argent de temps en temps mais ils en ont qu'un accès limité : par exemple, $ 10 par jour et que pour manger. Restriction complète ou partielle de l'alcool selon les personnes.
Il y a même des lois uniques à Alice Springs, pour restreindre la consommation d'alcool : pas de bouteille ouverte ou fermée d'alcool dans la voiture, interdiction d'avoir une bouteille à la main dans la rue. ça rigole pas.
Le gouvernement leur paye aussi des maisons mais la plupart ne s'en serve pas. Ils préfèrent vivre dans le bush. On les voit marcher toute la journée au bord de la rivière. Certaines personnes gagnent un peu d'argent grâce à leurs peintures traditionnelles qu'ils vendent aux touristes mais une misère.
Mon 1er constat a été assez négatif.

Au début, c'est assez dur de bosser avec eux : après avoir nettoyé leurs gamins de la tête aux pieds, avoir essayer de les faire rire _ ce qui n'est vraiment pas gagné avec certains qui sont juste exténués d'avoir marché 20 bornes jusqu'en ville_ le plus dur reste à faire attention que les gamins ne s'enfuient pas avec nos vêtements tout neuf, et expliquer aux parents bourrés qu'ils doivent revenir dans 2 semaines pour récupérer leur photo. "Next week, to pick up your pictures it's next week !!" Étant donné qu'ils ont un accès limité à leur argent et qu'ils l'ont sûrement déjà tout dépensé en alcool (ils arrivent à gruger), au moment de payer la session, c'est toujours pareil :
- "It's 7 dollars for today please.
Silence...
- Do you have the monney here?
- No, I'll come back tomorrow."
Rares sont ceux qui reviennent pour payer.
De toute façon, la plupart oublie qu'ils doivent revenir dans deux semaines pour voir leurs photos...

Avec le temps, je commence à prendre ça comme un jeu.
Certains gamins me font de gros câlins parfois et même s'ils sont bourrés de poux, je commence à m'attacher à eux.
Alice Springs est très petit, je revois souvent les mêmes têtes.
Je réalise qu'ils ont beaucoup le sens de l'humour et parfois, je vois les mamans s'esclaffer de rire en regardant leurs enfants bien habillés, en train de poser devant l'appareil photo.
J'ai même eu droit à une drôle de rencontre avec une dizaine de mecs aborigènes bourrés.
- " T'es d'où ?
- De France.
- C'est loin ? Par exemple, comparé à Sydney ?
- Heu, oui c'est très loin... Il y a deux jours d'avion.
Silence.... Je crois qu'ils sont choqués. L'un d'entre eux me demande si j'ai des enfants.
- Non pas encore, j'ai que 23 ans.
- Moi j'ai 20 ans et je veux juste une femme et des enfants, être heureux avant de mourir. Tu ne voudrais pas te marier avec un aborigène ?
Le sourire au lèvre, je lui répond non merci...."

Au final, lorsque je stoppe les passants pour leur proposer la session, les aborigènes s'arrêtent et on en discute. "Les blancs" nous envoient tout simplement bouler avant même que l'on ait eu le temps de dire quoique ce soit.


J'ai aussi eu l'agréable surprise de recevoir la visite de nos 4 amis français rencontrés près de Melbourne pendant Noël ! Quentin, Jean-Eudes, Charlotte et Vanessa sont restés 2 jours à Alice Springs. On est sorti au Casino et ça m'a fait un bien fou de voir des têtes connues ! L'Australie n'est pas si grande que ça finalement ;)


4 mars : dernier jour à Alice Springs ! Enfin ! Mine de rien, 4 semaines, c'est assez long. 2 jours de route avec la work car et le trailer (remorque) et nous voilà à Mount Isa dans le Queensland !!
C'est une ville minière, très riche, on y est resté qu'une semaine. Toujours aussi stressés et crevés de bosser qu'à 3, on a pas eu le temps de faire grand chose mis à part rencontrer quelques miniers très sympas.
Le temps est complètement abominable. Il pleut des trombes mais nous devons prendre la route pour Tennant Creek (Northen Territorry).
La route sera probablement inondée par endroits mais le gérant du caravan park à Mount Isa nous dit que ça devrait aller et notre boss nous confirme notre départ.

660 bornes, 8h de route direction l'Ouest par la Barkly Highway.
Alors qu'il pleut sans arrêt, nous traversons nos 1ères grosses flaques d'eau sur la route. On peut traverser entre 20 et 25cm d'eau avec la voiture mais ils ne faut pas ralentir apparemment. 1ère inondation passée, c'est assez impressionnant de traverser l'eau !


Mais quelques kilomètres plus loin, c'est le drame !
Une des inondations suivantes ne paraissait pas vraiment profonde au début, donc Jan a décidé de se lancer. Sauf que plus on avançait à travers l'eau, plus cela devenait profond. Le moteur s'est arrêté et l'eau a commencé à rentrer dans la voiture. La voiture était tout simplement bloquée, en plein milieu de l'inondation. Pas de panique ! Non n'ouvre pas la porte. Heu...aaaaargh !! Jan sort par la fenêtre, je m'empresse à faire de même. On a réussi à garder notre sang froid et on a détaché le trailer, puis poussé la voiture hors de l'eau. (c'est plus facile que je ne le pensais dans l'eau).  J'avais juste énormément peur qu'un serpent nage au milieu de nous, comme je l'avais vu à la télé un mois auparavant lors des inondations du Queensland ! On est revenu pour faire de même avec le trailer. C'est simple, l'eau m'arrivait au milieu de ma cuisse !
Résultat des courses : la voiture ne démarre plus, il n'y a personne, c'est le désert et évidemment, pas de réseau téléphone !


On a attendu, et finalement, deux gros Road trains sont arrivés en même temps ! Ils ont checké le moteur mais nous ont conseillé de laisser la voiture là pour la nuit. L'un des deux nous a amené jusqu'à la 1ère station essence/pub : le Barkly homestead ! C'est du coup la 2ème fois que je monte dans un road train !! Celui-ci comportait 4 remorques ! Le camionneur, très sympa, nous a raconté sa vie pendant le trajet, tout en me demandant de temps en temps si je n'avais pas trop froid étant donné que j'était mouillée de la tête au pied !
Après l'accord de notre boss, on passe la nuit au Barkly Homestead. 150 dollars la nuit, heureusement, c'est la boîte qui paye !
Le lendemain matin, on découvre que tout le monde est dans la même galère ! Quelques backpackers et autres sont bloqués dans ce pub, ne pouvant traverser les inondations. Certains sont en panne mais pas tous. Heureusement, on a réussi à repartir chercher la voiture _qui commençait d'ailleurs à être sous l'eau_, la redémarrer par je ne sais quel miracle, puis revenir au pub.
On y est resté bloqués 2 jours mais pour nous, ça a été un peu comme des "vacances" et une super expérience ! Une entre-aide s'est installée dans le pub et tout le monde a commencé à se connaître plus ou moins. Chacun racontant son anecdote des inondations, combien de centimètres il a pu traversé et quand il a décidé de s'arrêter. Le pub est assez cher, mais on a pu y manger de vrais burgers maison avec des frites, de vrais breakfasts à l'anglaise etc. J'y ai même acheté un T.shirt en souvenir !

L'eau ayant descendu de quelques centimètres, nous avons pu arriver à Tennant Creek ce mardi 15.

Suite des prochains épisodes : direction Darwin, le pays des crocodiles samedi 19 !!!
En espérant que les routes seront en meilleur état...


jeudi 3 mars 2011

Oihan : ça va mieux

Renmark (encore), Riverland, South Australia, 03 mars 2011


C'est drôle. Quand on est au chômage, on espère vraiment trouver un boulot au plus vite. Ca devient une obsession, le but à atteindre, l'Eldorado, et on a le sentiment qu'on ne pourra être heureux qu'une fois qu'on aura trouvé un job. J'ai fini par trouver un job. Il s'agit de ramasser des pêches parfois grosses comme des pamplemousses, destinées à être séchées. Mais une fois qu'on travaille, on se surprend à ne plus vouloir travailler, à envier les chômeurs, et à attendre avec impatience les jours de congé ! Et en l'occurrence, pour ce qui s'agit des travaux de ferme, les jours de congé, c'est les jours de pluie ! Donc, pour la première fois de ma vie, j'espère chaque jour voir tomber les premières gouttes salvatrices d'un orage qui m'obligera peut-être à vivre dans le van deux jours durant, mais qui me libérera des chaînes en acier trempé auxquelles m'a attaché Bill (fort accent, obèse, chapeau de cowboy, ne se déplace jamais de plus de 2 mètres sans son 4x4 blanc immaculé, à peu près comme 90% des patrons de ferme australiens). Bill me paye bien, $19 de l'heure. Il est exigent, mais professionnel. Les jobs payés de l'heure sont en général meilleurs que ceux payés au rendement. Esprit d'équipe et non de compétition, envie d'un travail bien fait et non d'un travail vite fait, assurance de gagner tous les jours la même somme.


Pour la première fois, mes collègues ne sont pour la plupart pas des backpackers. Bill n'aime pas les backpackers. Et il n'aime pas les filles non plus, mais pour des raisons différentes je pense. Dans mon équipe de 7, un backpacker allemand, et 5 résidents australiens originaires du Punjab (nord-ouest de l'Inde) qui ne parlent pas un mot d'anglais pour la plupart. Ils sont vraiment adorables, très souriants, très généreux, très rieurs, mais c'est assez dur de franchir la barrière de la langue. J'essaye d'abattre le premier coup de pioche en apprenant quelques rudiments de "Punjabi" : "tialodji" pour au boulot, "ahandji" pour oui, "sastriskhaal" pour bonjour, mais ça n'est pas suffisant pour faire passer le temps. Il va vraiment falloir que j'achète un lecteur MP3. Raj, le plus haut gradé de l'équipe qui jouit donc du droit de conduire le tracteur, parle tout de même assez bien. Il faut juste enregistrer que "diou bark bèle" signifie "you work well" et que quand il dit "Hazem! Come here!", il veut que je vienne. Oui, mon prénom a subi quelques modifications ; le premier jour, c'était un beau "Owyen", qui s'est dangereusement rapproché de "Aeyen", qui a connu son heure de gloire (alors que Raj lut mon nom sur la fiche de paye) avec un semblant de "Howyan", qui a malheureusement abouti (suite à une laborieuse conversation sur l'origine de mon prénom) sur le surnom de "Gump" (Oihan = forêt en basque = forest = Forest Gump), qui est retombé sur "Aeyen" parce que Raj oubliais tout le temps quel était mon surnom, puis "Hayein", "Hayzen", puis rien pendant un jour, il criait juste pour m'appeler (c'est d'ailleurs très blaissant de s'appeler "AARRGGLEW") et s'est enfin stabilisé sur "Hazem".


Le boulot est dur, très dur. Il fait très chaud, et très humide. Parfois, le thermomètre affiche 49°, mais il fait tellement humide dans les champs que la température ressentie doit avoisiner les 55°. Les moustiques sont là jour et nuit, par centaines. Ils piquent malgré le répulsif, à travers la chemise quand elle est collée à la peau par la transpiration, à travers le jean quand ils ont vraiment faim, et nous obligent à faire les cents pas pendant nos courtes pauses-clopes ("smoko" en australien) parce que le moindre arrêt de 10 secondes nous coûte quelques piqûres. Bien sûr, quand les moustiques ne sont pas là, les mouches prennent la relève, et croyez-moi, elles sont beaucoup plus insistantes que les mouches françaises. Et en plus certaines piquent ! On ne pisse pratiquement pas les 5 litres d'eau que l'on boit tellement on transpire, et le petit duvet qui revêt les pêches se colle au visage et gratte affreusement. C'est aussi la raison pour laquelle on attend aussi impatiemment la pluie : la température chute alors de 25°, l'air redevient sec, et on peut travailler dans de bonnes conditions pendant quelques jours. Et puis les pluies sont tellement diluviennes ici, que ça nous offre également une douche avec une pression plus conséquente que celle de la douche solaire. Il faut juste se dépêcher, la pluie pourrait s'arrêter alors qu'on a du savon dans les yeux !

Marghe prépare les pâtes fraîches
Gorgio prépare la sauce
 Je dors toujours au même endroit, sur mon petit parking de zoo, avec mes potes. J'ai mon petit rythme routinier : p'tit dèj' à 5h30 du matin, remplissage du bidon d'eau potable, boulot, pause déjeuner avec le repas que j'ai préparé la veille (qui n'est autre que le même repas que j'ai mangé au dîner), boulot, remplissage de la douche solaire, douche, courses, un peu d'internet, dîner, dodo à 22h00 maximum. Les "day-off", c'est grasse mat', nettoyage du van, et accordéon pour gagner un peu d'argent. Grâce à ces "day-off-accordéon", je ne touche pratiquement pas à l'argent que je gagne au boulot pour me nourrir et nourrir le van. Les habitants du parking vont et viennent. Persiste le noyau dur italiens-allemands-franche-comtois-moi, puis se succèdent français, allemands, italiens, belges, coréens, estoniens... Ricardo et Fransesca s'en vont, et on fête leur départ et l'anniversaire de Ricardo par la même occasion, cadeau musical à la clé (cliquez ici, et oui, je sais, c'est très kitch). Nos délires culinaires ne s'affaiblissent pas d'un cil. Entre deux barbecues, Giorgio et Marghe nous préparent les vraies "fresh pasta", Steph et Gaëlle de Liège nous font goûter la célèbre salade liégeoise, et moi, j'organise une soirée talo (talo eta ardigazna en entrée, talo eta txingar en plat de résistance, talo eta nutella en dessert, prefosta).

J'ai trouvé la plantxa parfaite pour les talo
 Les quatre français que l'on avait rencontré dans le Victoria et avec qui on avait passé Noël et Nouvel An passent me rendre visite. Ils s'intègrent très bien à notre week end post-pluie : pétanque, accordéon, "time's up", "loup garou" ("wolfman", mais aussi "dingoman", "mosquitoman", "emuman" au long des différentes parties) et funambulisme. Et barbecue, of course !


Voilà maintenant trois semaines que je ramasse des pêches, et le boulot touche à sa fin. Samedi, 14h00, Bill nous remercie du bon boulot qu'on a fait, et nous donne nos dernières fiches de paye. 15h30, j'ai trouvé un autre boulot, et je commence lundi. Presque trop simple ! Je laisse les pêches, et attaque les prunes. Cette fois c'est du "contract-job", payé au rendement. $50 brut la half-ton bin, remplie en 4 heures et demi le premier jour, 4 heure le deuxième, puis 3 à 3 heure et demi pour les jours suivant. Picker (ramasser) seul, c'est assez dur. Dur de se motiver, dur de finir les bin en temps et en heure. Heureusement que Simone et Han, le couple italio-coréen (pas couple couple, mais paire, covoyageurs, Simone étant un prénom masculin) mettent l'ambiance à chanter à tue-tête. Quoi ? Je vous ai pas encore parlé de Simone? Le Simone? "Saymon" en anglais? Plus communément appelé (silence, lumière tamisée, visage grave, voix rauque et profonde) "Il Milanezze"... Giorgio et Marghe m"ont expliqué que les milanais sont un peu l'équivalent des parisiens en France. Rien n'est mieux que Milan, tout le monde est plus con qu'un milanais, un milanais a toujours raison, un milanais est toujours plus fort. "Il Milanezze" ne travaille jamais plus de trois jours dans la même ferme parce qu'il s'ennuie et se fait virer. Il feint de se tordre la cheville pour aller au café toute la journée, il s'engueule avec les patrons parce qu'il a toujours raison, et cumule les PV pour raisons diverses et variées. Le pauvre Han le suit dans ses délires, essaye de l'empêcher de dépenser tout l'argent qu'ils gagnent, mais ils s'entendent malgré tout très bien. Et ils sont malgré tout très sympa. "Il Milanezze" s'est déjà lié d'amitié avec toute la mafia de Renmark (à savoir le garagiste italien, le patron du bar italien, la prof d'italien de l'école, et le patron de la pizzeria). C'est grâce à ce cercle de compatriotes qu'il a trouvé le boulot de ramassage de prunes, et qu'il m'y a fait entrer.


Une semaine et demi plus tard, le boulot de prunes se termine à son tour. Je ramasse tout de même une dernière prune sur le chemin du retour. 74 km/h au lieu de 60 km/h, $256. Ils rigolent pas en Australie. J'explique au flic que je fais toujours attention, et que j'ai pas beaucoup d'argent, que $256 ça représente à peu près 3 jours de boulot, et il me dit qu'honnêtement, je voyage, je suis jamais au même endroit, et que si je paye pas l'amende, ils vont pas me courir après. Mais que si je veux la payer, j'ai un mois de délai. Et que mon pneu avant droit est un peu lisse, je devrais vérifier le parallélisme.


Me voilà de nouveau au chômage, et j'envisage vraiment de partir cette fois. Je me dis que j'ai quand un même un peu d'argent, pas des montagnes, mais suffisamment pour être tranquille pendant un moment. C'était sans compter sur "Il Milanezze", qui a sympathisé avec la mafia grecque de Renmark (qui pour le coup, à ce qui parait, est vraiment une sorte de mafia), a trouvé une ferme qui va commencer les vendanges à la main, et cherche du monde. On va à la rencontre de Andrew, que j'appellerais dorénavant "El Greco", il nous explique le boulot, ça a l'air d'être assez rentable mais encore une fois, on ne peut savoir que si on essaye. Il nous donne rendez-vous dimanche à 7h00 du matin au block. En Australie, quand il n'y a pas beaucoup de boulot dans un endroit donné, un plan job s'ébruite très vite, et on se retrouve à être dans le même camping 14 personnes à aller bosser pour "El Greco" dimanche. On est mardi, et ça me laisse du coup 4 jours de vacances pour réfléchir un peu (et pour écrire cet article). C'est vrai que j'ai envie de partir, que j'en ai marre, mais d'un autre côté, si je me motive, je peux gagner suffisamment d'argent pour être tranquille peut-être jusqu'à la fin du trip, et j'engrange les jours dans le but d'atteindre les "88 jours" (nombre de jours de travail nécessaires pour avoir le droit de demander un deuxième visa) que tout backpacker essaye d'atteindre, au cas où. Je pense que je vais rester travailler. Peut-être deux semaines, si le boulot rapporte bien. Ca me laissera le temps d'organiser mon départ, trouver un "van-mate", appeler les hôtes de WOOFF, voir ce qui cloche avec mon pneu lisse. Pour l'instant, c'est vacances pour quelques jours ! Un peu d'accordéon de temps en temps bien sûr, mais ça fait du bien.


Et puis ça me laisse le temps de regarder les étoiles. Avant de m'endormir, je sors la tête du van (et de la moustiquaire) par la porte entrebâillée, et j'attends de voir quelques étoiles filantes. Je vous ai déjà dit à quel point le ciel était beau ?